Des moyens contre les violences basées sur le genre !

La section belge francophone d’Amnesty International se réjouit de la sortie du Plan d’action national 2015-2019 de lutte contre toutes les formes de violence basée sur le genre, qui inclut spécifiquement la question des violences sexuelles et plus uniquement les violences intrafamiliales. Ce plan, établi de manière coordonnée, constitue un vrai pas en avant vers une meilleure prise en compte des violences sexuelles en Belgique. Le plan respecte les recommandations de la Convention d’Istanbul, dont l’instrument de ratification a enfin été déposé le 14 mars 2016, ce qui constitue une bonne nouvelle pour toutes les femmes en Belgique qui verront leurs droits mieux protégés.

De plus, Amnesty International Belgique francophone se réjouit de constater qu’une partie des mesures qu’elle a proposées conjointement avec SOS Viol, dans le cadre de leur campagne contre le viol, a bien été reprise dans le nouveau Plan. Cependant, des questions restent en suspens, notamment en ce qui concerne les financements de certains programmes et les subsides alloués à la société civile, sans qui toutes ces mesures ne pourront être correctement mises en place.

Dans le cadre de leur campagne « Quand c’est non, c’est non », lancée en mars 2014, la section belge d’Amnesty International et SOS Viol avaient présenté une série de recommandations au gouvernement belge pour mieux lutter contre le viol en Belgique. Plusieurs de ces recommandations se retrouvent dans le nouveau plan, et notamment l’amélioration de la collecte de données statistiques genrées ? ; l’établissement de campagnes de sensibilisation, à destination des jeunes en particulier ? ; l’optimisation de l’utilisation du Set d’agression sexuelle ? ; la mise en place d’un certificat médical type ou encore l’évaluation des procédures judiciaires dans l’optique de les améliorer.

De plus, lors de la conférence de presse de sortie du PAN a été annoncée la création d’une ligne gratuite d’écoute pour les victimes de violences sexuelles, qui sera coordonnée par SOS Viol. Il s’agissait de l’une des demandes principales de la campagne contre le viol d’Amnesty International, qui sera vigilante quant aux financements accordés à ce projet.

L’organisation se réjouit également du projet de mettre en place, après évaluation de faisabilité, des centres interdisciplinaires de référence sur les violences sexuelles qui pourraient permettre une meilleure cohérence entre les différents services concernés par l’assistance aux victimes.

Enfin, toutes les déclarations de politiques générales des ministres concernés, de près ou de loin, par la lutte contre les violences sexuelles font référence aux mesures qui doivent être entreprises dans ce domaine. Cette cohérence est positive et démontre l’engagement général des gouvernements à rendre prioritaire la question des violences sexuelles.

Plusieurs questions restent cependant ouvertes. Les 235 mesures du plan ont toutes été budgétées par les gouvernements et devraient donc toutes pouvoir être implémentées. De nombreuses mesures ne pourront être mises en place sans la participation du secteur associatif, qui voit pourtant ses financements diminuer d’année en année.

« Selon le PAN, les associations seront soutenues “dans le cadre du budget disponible”. Or ces dernières années, le budget alloué aux associations actives contre les violences faites aux femmes a été réduit sensiblement et le PAN n’en prévoit pas d’augmentation. Comment le gouvernement compte-t-il par exemple renforcer les animations d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle dans les écoles, alors que les centres de planning familial peinent à reconduire leurs activités d’une année sur l’autre par faute de subsides adéquats ?? » déplore Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International.

De plus, Amnesty Internationale regrette le fait que certaines mesures soient « proposées », « encouragées » ou encore « à évaluer », mais ne témoignent pas d’engagements concrets. « Le plan prévoit qu’une formation sur les faits de mœurs dans toutes les écoles de police, ainsi qu’une formation du personnel d’accueil des commissariats, ne soient qu’encouragées », constate Philippe Hensmans. « Pourquoi ne pas rendre obligatoires de telles formations, qui sont cruciales pour que les cas de violence sexuelle soient traités de la meilleure manière ?? Le fait que le personnel soit correctement formé dépendra complètement du bon vouloir des encadrants. » Le même constat peut être fait en ce qui concerne la possibilité de filmer les auditions de personnes majeures, qui doit simplement être examinée.

En outre, Amnesty International déplore le fait que les campagnes de sensibilisation sur les violences sexuelles auront pour thème principal l’encouragement à dénoncer les faits rapidement à la police. Porter plainte est crucial pour lutter contre l’impunité, mais cette incitation doit être accompagnée d’un meilleur suivi judiciaire afin de ne pas plonger les victimes dans des procédures complexes et aboutissant souvent à des non-lieux.

De plus, la plainte n’est pas toujours la solution la plus adaptée pour les victimes, qui peuvent avoir besoin d’autres types de soutien (psychologique et/ou social notamment). Il paraîtrait donc plus opportun de proposer des campagnes plus générales informant sur les différents recours possibles et pas uniquement sur le volet judiciaire.

Enfin, Amnesty International restera vigilante à l’application des mesures du Plan tout au long du mandat. L’expérience de la mise en place de différentes mesures pour lutter contre les violences conjugales il y a près de dix ans, et notamment de la tolérance zéro au niveau judiciaire, ou encore la mise à disposition de plus de places d’accueil en refuges, montre que les bonnes intentions peuvent vite être abandonnées par faute de moyens alloués. Une grande disparité existe aujourd’hui dans la prise en charge des victimes de violences conjugales sur le territoire. Le gouvernement doit s’assurer que toutes les mesures mises en place fassent l’objet d’un suivi sur le long terme et sur tout le territoire concerné.

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