Défendre les droits des personnes en mouvement

Amnesty International accueille avec satisfaction le rapport concernant les défenseur-e-s des droits de toutes les personnes en mouvement présenté par le rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme. 

Les attaques contre les défenseur-e-s des droits des personnes en mouvement sont devenues plus courantes ces dernières années, dans un contexte marqué par des discours de plus en plus négatifs sur les migrants, les réfugiés, les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays et les apatrides.
 
Les défenseur-e-s des droits humains qui travaillent sur les droits des personnes en mouvement font l’objet du même type de restrictions et d’attaques que d’autres défenseur-e-s des droits humains qui subissent des formes multiples de discrimination et souffrent des inégalités structurelles. Ces personnes sont notamment victimes de menaces, d’agressions physiques, de campagnes de dénigrement, de stigmatisation et de harcèlement par l’utilisation abusive de l’appareil judiciaire. Comme le souligne le rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme dans son récent rapport : « Ces défenseurs, qui sont eux-mêmes, pour nombre d’entre eux, des personnes en déplacement, rencontrent une multitude de difficultés, en raison de certains aspects préoccupants des politiques migratoires dans le monde et de la tendance générale à la fermeture de l’espace civique aux défenseurs des droits de l’homme. »

Amnesty International a publié son Rapport 2017/18 le 22 février 2018. Ce rapport met en évidence les graves atteintes aux droits humains que subissent les réfugié-e-s, les migrant-e-s, les apatrides et celles et ceux qui défendent les droits de ces personnes.

Le Mexique, par exemple, a reçu un nombre record de demandes d’asile, émanant principalement de ressortissant-e-s de pays d’Amérique centrale fuyant la violence, mais n’a bien souvent pas accordé de protection à celles et ceux qui en avaient besoin. Des défenseur-e-s des droits humains qui apportaient une aide humanitaire à des migrant-e-s et des réfugié-e-s ont en outre fait l’objet de poursuites pénales infondées et ont été victimes de violentes représailles de la part de groupes criminels organisés.

La crise de l’apatridie en République dominicaine continue de toucher des dizaines de milliers de personnes d’origine haïtienne privées de leur nationalité dominicaine de manière rétroactive et arbitraire. Dans un tel contexte, les défenseur-e-s des droits des apatrides sont souvent victimes d’actes de harcèlement et d’intimidation et ont été la cible de campagnes de dénigrement.

Dans des pays africains comme la Somalie et la République centrafricaine, les conflits prolongés, ainsi que les crises humanitaires récurrentes et les violations persistantes des droits humains, ont contraint des millions de personnes à fuir leur domicile en quête de protection. Des millions de réfugié-e-s accueilli-e-s par des pays africains sont toujours exposé-e-s à des atteintes généralisées aux droits humains et n’ont pas reçu un soutien suffisant de la communauté internationale.

Les violations alarmantes des droits humains et les crimes contre l’humanité commis par les forces de sécurité contre les Rohingyas au Myanmar ont obligé des centaines de milliers de personnes à fuir et à faire face à un avenir incertain et souvent empreint de violence. Deux journalistes qui enquêtaient sur des opérations militaires dans l’État d’Arakan ont été arrêtés en 2017.

Des défenseur-e-s des droits humains et des ONG qui défendent les droits des personnes en mouvement en Europe ont également été la cible de campagnes de harcèlement et d’intimidation. Des ONG qui mènent des opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale ont fait l’objet de campagnes de dénigrement. Un nouveau code de conduite adopté par les autorités italiennes soumet les activités de ces organisations à des restrictions injustifiées. 

Un nouvel ensemble de mesures législatives présenté au Parlement hongrois en février 2018 imposerait aux ONG qui « soutiennent l’immigration » d’obtenir un avis favorable des services de sécurité et une autorisation gouvernementale. Au titre de ce texte, le gouvernement « identifierait » les ONG qui, selon lui, « soutiennent l’immigration » et celles-ci devraient alors obtenir l’autorisation du ministre de l’Intérieur pour mener à bien leurs activités de base, notamment faire campagne, « influencer les tribunaux », préparer du matériel d’information, organiser des réseaux et recruter des bénévoles dans le but de parrainer, organiser ou soutenir de toute autre manière l’entrée et le séjour de personnes en quête d’une protection internationale. 

Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les travailleurs et travailleuses migrant-e-s continuent d’être victimes d’exploitation et de mauvais traitements, et celles et ceux qui défendent les droits de ces personnes subissent des menaces et des actes d’intimidation. La crise s’est aggravée en Libye, où les migrant-e-s et les réfugié-e-s sont soumis-es à des atteintes aux droits humains généralisées et systématiques. Près de 20 000 réfugié-e-s et migrant-e-s ont été arrêté-e-s de façon arbitraire et placé-e-s pour une durée indéterminée dans des centres de détention surpeuplés et insalubres, où ces personnes sont exposées à la torture, au viol, au travail forcé, à l’extorsion et aux homicides illégaux aux mains des autorités et des milices dirigeant ces lieux. 

« Les difficultés rencontrées par les défenseurs des personnes en déplacement naissent dans un contexte plus général de rétrécissement de l’espace dévolu à la société civile », indique le dernier rapport du rapporteur spécial. « Certains aspects du rétrécissement de l’espace dévolu à la société civile engendrent [cependant] des difficultés particulièrement importantes pour les personnes en déplacement et les défenseurs œuvrant pour leur cause. »

Le rapporteur spécial a souligné que « le fait de qualifier les défenseurs d’“agents étrangers” alimente les discours selon lesquels les personnes en déplacement et leurs alliés représentent une menace séditieuse. De même, les règles de financement de certains pays limitent souvent l’accès des personnes en déplacement à leurs propres ressources ou à d’autres ressources à l’étranger. 

« Le rapport signale en outre que « [l]es personnes en déplacement telles que définies dans le présent rapport en tant que défenseurs de leurs propres droits sont privées depuis longtemps du droit de prendre la parole et sont exclues du discours politique en tant qu’étrangers et non-ressortissants. Elles continuent de faire l’objet de menaces et d’actes de violence bien plus souvent que leurs défenseurs et leurs alliés. L’espace dévolu à la société civile a non seulement rétréci, mais est pratiquement fermé aux personnes en déplacement qui cherchent à défendre leurs droits. »-

Recommandations adressées à la 37e session du Conseil des droits de l’homme

L’année 2018 est celle du 20e anniversaire de l’adoption de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus. Dans ce contexte, Amnesty International engage le Conseil des droits de l’homme à :

  • 1. réaffirmer que la protection des droits humains est indispensable pour permettre à chacun et chacune de vivre dans la dignité et que le renforcement du respect de ces libertés fondamentales constitue l’assise d’une société stable, sûre et juste ;
  • 2. appliquer les recommandations formulées par le rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme dans son récent rapport concernant les défenseur-e-s des droits de toutes les personnes en mouvement, en particulier :
    • a. prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes en mouvement et de celles et ceux qui défendent les droits de ces personnes ;
    • b. soutenir le travail légitime des défenseur-e-s des droits des personnes en mouvement et reconnaître publiquement leur contribution à l’avancement des droits humains ;
    • c. permettre à toute personne de promouvoir et défendre les droits humains, quelle que soit sa situation au regard de la législation sur l’immigration, notamment en lui permettant d’exercer son droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique ;
    • d. veiller à ce que les personnes défendant les droits humains qui ont été forcées de fuir leur pays d’origine soient autorisées à demander l’asile et ne soient pas renvoyées dans un lieu où elles risquent d’être victimes de graves atteintes aux droits humains et notamment d’être persécutés ;
    • e. veiller à ce que les défenseur-e-s des droits humains qui offrent une aide humanitaire aux personnes en mouvement ne soient pas poursuivi-e-s pénalement et ne fassent pas l’objet d’autres sanctions ;
    • f. veiller à ce que les défenseur-e-s des droits humains qui œuvrent en faveur des personnes en mouvement aient facilement accès à des mécanismes nationaux de protection et à d’autres mesures visant à garantir leur sécurité ;
    • g. veiller à ce que les régimes de visa ainsi que les autres politiques et pratiques en la matière ne compromettent pas les initiatives internationales de relogement provisoire destinées aux défenseur-e-s des droits humains, et mettre pleinement en œuvre des politiques prévoyant des visas humanitaires pour les défenseur-e-s des droits humains en danger ;
    • h. veiller à ce que les personnes en mouvement et celles qui défendent les droits de ces personnes aient accès à la justice et à des voies de recours efficaces, quelle que soit leur situation au regard de la législation sur l’immigration, sans faire l’objet de représailles ou de menaces d’arrestation, de détention ou d’expulsion lorsqu’elles signalent des infractions ou d’autres atteintes aux droits humains.
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