Déclaré coupable de blasphème pour avoir joué à Pokémon Go dans une église

Les autorités russes ont manifestement fait un usage abusif du système judiciaire, notamment de la législation draconienne contre l’extrémisme, lors du procès-spectacle du blogueur Rouslan Sokolovski, a déclaré Amnesty International jeudi 11 mai 2017.

Le même jour, un tribunal d’Iekaterinbourg avait condamné ce blogueur de 22 ans à une peine d’emprisonnement de trois ans et six mois avec sursis pour « incitation à la haine » et « atteinte aux sentiments des croyants ». Le jeune homme avait été arrêté en septembre 2016 pour avoir joué à Pokémon Go à l’intérieur d’une cathédrale d’Iekaterinbourg, dans l’Oural.

« Bien que certains puissent considérer comme désobligeants les propos de Rouslan Sokolovski sur la religion, cela ne suffit pas à le déclarer coupable. Les autorités n’ont commencé à s’intéresser à lui que lorsqu’il a remis en cause publiquement la législation russe, sévère jusqu’à l’absurde, qui incrimine les atteintes aux sentiments des croyants, a déclaré Sergueï Nikitine, directeur d’Amnesty International Russie.

« En déclarant Rouslan Sokolovski coupable, les autorités russes envoient un message fort à toutes les personnes susceptibles de contester les dispositions grotesques contre le blasphème. Ne vous y trompez pas, il n’est question ni de piété ni d’une véritable démarche visant à protéger la liberté de religion en Russie, ce qui semble d’autant plus évident si l’on pense au fait que les autorités ont interdit le mouvement des Témoins de Jéhovah pas plus tard que le mois dernier. Il s’agit d’une attaque supplémentaire envers la liberté d’expression. »

La condamnation de Rouslan Sokolovski a déjà entraîné une autocensure inquiétante au sein des médias. Le dernier exemple en date concerne le réseau de télévision par câble 2x2, qui a décidé de ne pas diffuser un épisode du célèbre dessin animé Les Simpson, dans lequel l’affaire était évoquée avec dérision.

Complément d’information

Le 3 septembre 2016, Rouslan Sokolovski a été arrêté pour « actions publiques exprimant un irrespect flagrant à l’égard de la société, dans le but de porter atteinte au sentiment religieux des croyants dans des lieux de culte » et « incitation à la haine ».

Dans une vidéo qu’il a diffusée sur YouTube et qui a servi de prétexte pour engager des poursuites à son encontre, il joue à Pokémon Go sur son téléphone portable dans l’une des plus grandes églises d’Iekaterinbourg. Depuis lors, le ministère public a passé au crible ce qu’il avait mis en ligne précédemment, portant ainsi à 17 le total de vidéos incriminantes.

Rouslan Sokolovski a été déclaré coupable en vertu de l’article 282 (incitation à la haine ou à l’inimitié et atteinte à la dignité humaine) et de l’article 148 (violation des droits aux libertés de conscience et de religion) du Code pénal russe. L’article 282, durci en 2016, sert fréquemment à poursuivre des détracteurs du régime et d’autres dissidents.

L’article 148 a été modifié en 2013 de manière à y inclure des dispositions dites « loi contre le blasphème ». Depuis lors, il a été utilisé pour incriminer des actes comme la performance à visée politique réalisée par le groupe punk Pussy Riot dans une cathédrale orthodoxe de Moscou, à la suite de laquelle ses membres ont été poursuivies et emprisonnées arbitrairement pour « houliganisme ».

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