Une décision de justice historique

Les autorités népalaises doivent prendre immédiatement des mesures efficaces pour faire respecter la décision historique rendue par le tribunal du district de Kavre dans l’affaire Maina Sunuwar, une adolescente torturée et tuée en 2004, ont déclaré Amnesty International, Human Rights Watch et la Commission internationale de juristes le jeudi 20 avril.

Le 16 avril 2017, le tribunal du district de Kavre a condamné trois militaires à la réclusion à perpétuité pour l’assassinat de Maina Sunuwar, une adolescente de 15 ans morte en février 2004 des suites d’actes de torture infligés alors qu’elle était détenue par l’armée. Maina Sunuwar a été tuée au cours du conflit qui a opposé maoïstes et forces gouvernementales pendant 10 ans et a pris fin en 2006. En 2005, une cour martiale avait reconnu que Maina Sunuwar était morte alors qu’elle était détenue par l’armée et avait déclaré les trois militaires coupables de torture et d’homicide. Cependant, la cour n’avait condamné les trois auteurs qu’à six mois d’emprisonnement pour des infractions mineures, puis les avait relâchés rapidement, au motif qu’ils avaient déjà été privés de liberté pendant six mois puisqu’ils avaient été confinés à la caserne pendant la durée de l’enquête.

« Ces condamnations constituent une évolution majeure pour un système judiciaire népalais lent à traiter les graves atteintes aux droits humains commises pendant la période du conflit », a déclaré Sam Zarifi, secrétaire général de la Commission internationale de juristes.

« Il est maintenant nécessaire que les autorités fassent la preuve de leur attachement à la primauté du droit en les faisant respecter. »

Le procès devant le tribunal du district de Kavre a eu lieu en l’absence des quatre accusés, bien que des convocations répétées leur aient été adressées, y compris sous la forme d’un mandat d’arrêt, pour les notifier des charges et les contraindre à comparaître. Les trois militaires déclarés coupables de la mort de Maina Sunuwar, Bobi Khatri, Amit Pun and Sunil Adhikari, ne font plus partie des rangs de l’armée, et on pense qu’ils ont fui à l’étranger après la procédure devant la cour martiale. Le quatrième accusé, qui a pour sa part été mis hors de cause, Niranjan Basnet, est toujours dans l’armée. En raison de sa mise en accusation, il avait été rapatrié au Népal en 2009 depuis le Tchad, où il était affecté dans le cadre d’une mission de maintien de la paix de l’ONU.

L’affaire Maina Sunuwar est devenue emblématique des dysfonctionnements du système judiciaire népalais, qui ont à maintes reprises contrarié les efforts déployés par les victimes du conflit népalais afin d’obtenir justice pour les atteintes aux droits humains commises en temps de guerre.

La mère de Maina Sunuwar avait initialement porté plainte auprès de la police en novembre 2015. Depuis lors, de nombreux obstacles procéduraux et politiques se sont interposés, ainsi que le manque de coopération de l’armée, qui cherchait à protéger les siens. Un mandat d’arrêt émis en 2008 n’a jamais été appliqué par les autorités népalaises, la police affirmant au tribunal qu’elle ne réussissait pas à retrouver la trace des accusés.

« L’affaire Maina Sunuwar était une véritable cause-type pour la justice pénale népalaise ; cependant, les autorités ont pour habitude de se contenter d’ignorer les décisions de justice », a déclaré Brad Adams, directeur du programme Asie de Human Rights Watch.

« C’est le premier signe d’espoir pour les victimes, plus de dix ans après la fin du conflit – il faut maintenant que toutes les personnes reconnues coupables d’homicide soient emprisonnées. »

Les organisations de défense des droits humains ont dit craindre que les autorités ne se refusent à prendre des mesures pour faire respecter la décision du tribunal de Kavre, compte tenu de leur attitude antérieure vis-à-vis de ce dossier et de milliers d’autres affaires concernant l’époque du conflit. Ainsi, il est troublant que la police n’ait pas encore donné suite à un arrêt de la Cour suprême, en date du 13 avril 2017, ordonnant l’arrestation de Bal Krishna Dhungel, un politicien maoïste reconnu coupable d’un homicide commis en 1998, et condamné à la réclusion à perpétuité. La Cour a donné une semaine à la police pour appliquer sa décision et lui présenter cet homme.

« Le tribunal du district de Kavre a fait son travail, en réaffirmant l’indépendance du pouvoir judiciaire face aux pressions politiques et militaires, et en soumettant les auteurs présumés de graves infractions commises pendant le conflit à l’obligation de rendre des comptes », a déclaré Biraj Patnaik, directeur du bureau régional d’Amnesty International pour l’Asie du Sud-Est.

« Il appartient maintenant aux autorités de faire leur propre travail, en rompant avec la pratique des gouvernements passés qui, les uns après les autres, ont ignoré et sapé les décisions des tribunaux. Nous attendons des autorités qu’elles appliquent sans délai l’arrêt rendu cette semaine. »

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