COREE DU NORD. Le système de santé à l’agonie a un besoin urgent d’aide

15 juillet 2010

Index AI : PRE01/224/2010

Des amputations et d’autres opérations chirurgicales importantes réalisées sans anesthésie ne sont qu’un témoignage parmi d’autres de l’état déplorable du système de santé nord-coréen. C’est ce que constate un nouveau rapport d’Amnesty International publié ce jeudi 15 juillet 2010.

Ce document, intitulé The Crumbling State of Health Care in North Korea et qui s’appuie sur des entretiens avec des Nord-Coréens et des professionnels de la santé, dresse un tableau d’hôpitaux sans médicaments fonctionnant à peine et d’épidémies dues à la malnutrition.

Des témoins ont décrit des établissements où les aiguilles hypodermiques ne sont pas stérilisées et où les draps ne sont pas lavés régulièrement.

« La Corée du Nord ne parvient pas à assurer les besoins les plus élémentaires de sa population en matière de santé et pour sa survie. Cela est particulièrement vrai pour les personnes qui n’ont même pas les moyens de payer les soins médicaux », a déclaré Catherine Baber, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

Selon les derniers chiffres disponibles de l’Organisation mondiale de la Santé, la Corée du Nord a dépensé moins que tout autre pays au monde dans le domaine de la santé : au total, l’équivalent de moins d’un dollar par personne et par an.

Le gouvernement nord-coréen continue d’affirmer que son système de santé est gratuit pour tous mais de nombreux témoins ont déclaré à Amnesty International qu’ils avaient dû payer pour tous les services depuis les années 1990. Les médecins sont ainsi généralement payés en cigarettes, alcool ou nourriture pour les consultations les plus simples et en espèces pour les examens médicaux ou les opérations chirurgicales.

Le rapport constate que beaucoup de Nord-Coréens évitent purement et simplement de consulter un médecin ; ils vont directement acheter des médicaments au marché et se soignent eux-mêmes selon leur intuition ou le conseil des vendeurs. Les autorités nord-coréennes ont récemment interdit un analgésique narcotique créant une forte dépendance que de nombreux Nord-Coréens utilisaient couramment comme panacée.

« L’incapacité du gouvernement à fournir des informations élémentaires au sujet de la prise de médicaments est d’autant plus inquiétante que le pays lutte contre une épidémie de tuberculose, a déclaré Catherine Baber. Un nombre croissant de personnes ont développé une résistance au traitement de première ligne contre cette maladie.

« La population nord-coréenne a besoin de toute urgence d’une aide médicale et alimentaire, et celle-ci ne doit surtout pas devenir un enjeu politique pour les pays donneurs. »

Amnesty International appelle les pays donneurs à continuer de fournir une aide humanitaire à la Corée du Nord par l’intermédiaire des Nations unies et à la fonder sur les besoins de la population et non sur des considérations politiques.

La Corée du Nord a besoin d’une aide internationale bien plus importante pour améliorer son système de santé public. Le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies en Corée du Nord manque aussi cruellement de fonds et nécessite plus de soutien de la part des donneurs et des sphères politiques.

La pénurie de nourriture perdure en Corée du Nord. Après une réévaluation infructueuse de la monnaie en décembre 2009, le prix du riz a plus que doublé, et selon une ONG citée dans le rapport, des milliers de personnes sont mortes de faim entre janvier et février 2010 rien que dans une province.

Bon nombre des personnes interrogées ont dit souffrir de problèmes de santé chroniques dus au manque de nourriture et se sont rabattus sur de l’herbe, des écorces d’arbre et des racines pour survivre à la faim. La tuberculose est réapparue en Corée du Nord, aggravée par la malnutrition.

Le rapport se fonde sur les témoignages de plus de 40 Nord-Coréens qui vivent désormais à l’étranger et dont la plupart ont quitté le nord du pays entre 2004 et 2009, et sur des entretiens avec des professionnels de la santé qui travaillent avec des Nord-Coréens.

« En vertu du droit international, y compris des conventions ratifiées par la Corée du Nord, il incombe au gouvernement de fournir en quantités suffisantes de la nourriture et des soins médicaux à la population du pays ou, à défaut, de demander la coopération et l’aide internationales », a ajouté Catherine Baber.

Complément d’information

La famine qui a ravagé la Corée du Nord au début des années 1990 a provoqué la mort d’environ un million de personnes. Une pénurie de nourriture perdure depuis. Les orientations politiques gouvernementales ont sensiblement aggravé cette crise.

En 1995, les autorités ont finalement fait appel à la communauté internationale, lui demandant de l’aide, notamment alimentaire.

Néanmoins, alors que les Nations unies et les agences d’aide humanitaire avaient commencé à distribuer de la nourriture et d’autres produits de première nécessité dans le pays, le gouvernement a entravé leur travail sur le terrain en les empêchant de se rendre auprès d’une grande partie de la population.

Avec la diminution des rations alimentaires distribuées par le gouvernement et les suppressions massives d’emplois dues à la fermeture d’usines et d’autres entreprises publiques dans les années 1990, de nombreux Nord-Coréens ont traversé des épreuves particulièrement pénibles et ont dû lutter pour survivre.

Entre 1995 et 2005, par ses actions d’urgence en Corée du Nord, le PAM est venu en aide à un tiers de la population, au maximum. En maintenant le principe « pas d’accès, pas de nourriture », et grâce à une plus grande liberté de circulation dans le pays, il a amélioré le suivi de la distribution de nourriture en Corée du Nord.

En septembre 2005, les autorités nord-coréennes ont annoncé qu’elles avaient suffisamment de nourriture et, invoquant de meilleures récoltes, elles ont ordonné au PAM de mettre fin à son programme d’aide humanitaire. Elles ont déclaré que seule une aide au développement (technique) à moyen et long terme serait autorisée. L’aide alimentaire internationale fournie à travers le PAM, qui a cessé en décembre 2005, a néanmoins repris un an plus tard à la suite de terribles inondations en 2006 et 2007.

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