Condamnation de manifestants pacifistes

Le déroulement d’un défilé pacifique en faveur de la liberté d’expression qui avait été organisé samedi 18 mars à Bichkek, la capitale du Kirghizistan, a été perturbé lorsque la police a arrêté plusieurs participants. Cinq manifestants ont été condamnés à cinq jours de détention administrative pour « houliganisme mineur », à l’issue d’une audience tenue à la hâte et qui ne répondait pas aux normes internationales en matière de procès équitables.

Le placement en détention de manifestants pacifiques par les autorités du Kirghizistan semble être une tentative visant délibérément à faire obstruction à la tenue d’une marche pacifique et à priver les participants de leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Ces personnes devraient être libérées immédiatement et sans condition. Leur arrestation semble également destinée à effrayer et à dissuader les personnes qui souhaiteraient à l’avenir participer à des manifestations.

Les organisateurs du défilé avaient averti le bureau du maire de Bichkek et les autres services concernés de leur intention d’organiser cette marche pacifique, ainsi que du parcours qu’ils comptaient emprunter. Les organisateurs, le bureau du maire et la police s’étaient accordés sur le tracé du parcours. Les manifestants devaient partir d’un parc à la périphérie de Bichkek et arriver au pied d’un monument du centre-ville. Toutefois, juste avant le départ, la police a présenté aux organisateurs une ordonnance judiciaire indiquant qu’il était interdit aux manifestants de marcher sur la route et qu’ils devraient rester sur le trottoir.

Le défilé a débuté comme prévu à 10 h 30 et une centaine de manifestants marchaient sur le trottoir le long du parcours devant les mener dans le centre-ville. Arrivés à un croisement important près du centre-ville, quelques manifestants sont descendus du trottoir dans la rue principale. Sept personnes ont immédiatement été arrêtées parce qu’elles « bloquaient la circulation » et ont été enfermées dans des fourgons de police en attente près de là. Elles ont ensuite été conduites à un poste de police. Deux d’entre elles, à savoir Kanybek Imanaliev, membre du Parlement national, et Abdybek Kaziev, journaliste travaillant pour la BBC, ont été remises en liberté peu de temps après. Les cinq autres (Mavlian Askarbekov, Azamat Attokourov, Aibek Myrza, Moukhit Mamytov et Rassoul Oumbetaliev) ont été placées en garde à vue et transférées dans un centre de détention provisoire. Une quarantaine de personnes ont continué de défiler et ont pu se rassembler près du monument, comme prévu.

Plus tard dans la journée, à l’issue d’une audience à huis clos, le tribunal du district de Sverdlovsk, à Bichkek, a condamné les cinq hommes à cinq jours de détention administrative pour « houliganisme mineur », une infraction administrative, parce qu’ils auraient troublé l’ordre public et gêné la circulation. La police les a empêchés de consulter leurs avocats, qui étaient venus pour les représenter, et ils n’ont bénéficié d’aucune assistance juridique durant le procès. L’accès à la salle d’audience a également été refusé aux observateurs indépendants.

L’audience à l’issue de laquelle les cinq manifestants ont été condamnés ne répondait pas aux normes internationales garantissant le droit à un procès équitable, notamment en ce qui concerne le droit de se défendre.

Complément d’information

Des défenseurs des droits humains, des journalistes et d’autres militants avaient organisé une manifestation pacifique, le 18 mars, pour protester contre ce qu’ils considèrent être une dégradation de la situation en matière de liberté d’expression au Kirghizistan. Le président kirghize, Almazbek Atambaïev, s’en est récemment pris publiquement aux médias indépendants. Dans une déclaration publiée sur le site internet de la présidence, Almazbek Atambaïev accusait des personnalités politiques, les médias et les journalistes indépendants de tenter de déstabiliser le pays en vue de l’élection présidentielle, prévue pour novembre 2017. Lors d’une réunion avec des diplomates, le 15 mars, Almazbek Atambaïev a accusé des médias de diffamation, sans donner de noms. D’autre part, le parquet a engagé des poursuites civiles contre Azattyk (le service kirghize de Radio Free Europe/Radio Liberty) et les sites d’information zanoza.kg et 24.kg, ainsi que contre les avocats représentant Omourbek Tekebaïev, un homme politique de l’opposition actuellement détenu dans l’attente de son procès pour corruption. Tous sont accusés d’avoir prétendument porté atteinte à l’honneur du président et « diffusé de fausses informations ». Une condamnation pourrait se traduire par de lourdes amendes.

Au titre des normes internationales relatives aux droits humains et du droit en la matière, les autorités ont le devoir de permettre à la population d’exercer son droit de réunion pacifique et de ne pas restreindre ce droit au-delà de ce que prévoit le droit international. Le rapporteur spécial sur le droit de réunion et d’association pacifiques s’est dit préoccupé par les sanctions administratives prononcées à la suite de réunions pacifiques, car il existe un risque sérieux pour qu’elles donnent lieu à des privations arbitraires de liberté et aient un effet dissuasif pour l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique.

Le Kirghizistan est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dont l’article 21 garantit à chacun le droit à la liberté de réunion pacifique. L’article 14 du PIDCP dispose en outre que toute personne a droit « à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi » et « à être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir l’assistance d’un défenseur de son choix ».

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