La Commission nationale des droits humains intimidée

New York, 15 avril 2016 – Le gouvernement du Népal doit cesser toute mesure d’intimidation et de harcèlement visant la Commission nationale des droits humains (NHRC) et ses employés, et respecter son indépendance conformément aux normes internationales, ont déclaré Amnesty International, Human Rights Watch et la Commission internationale des juristes (CIJ) le 15 avril. Les manœuvres d’intimidation visant la NHRC entrent en contradiction directe avec les Principes des Nations unies concernant le statut des institutions nationales (Principes de Paris) et avec la Constitution du Népal, ont déclaré les organisations de défense des droits humains.

Les membres de la commission ont déclaré – information confirmée par des médias indépendants – que le 3 avril 2016, le Premier ministre K.P. Sharma Oli a convoqué le directeur de la Commission nationale des droits humains, Anup Raj Sharma, et plusieurs commissaires pour les interroger au sujet de la déclaration de la NHRC livrée par la commissaire Mohna Ansari lors de l’Examen périodique universel (EPU) sur la situation des droits humains au Népal devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, au mois de mars. Dans sa déclaration, la commission a pointé du doigt plusieurs préoccupations relatives aux droits humains, notamment les dispositions discriminatoires en matière de citoyenneté dans la nouvelle Constitution, l’absence de véritable enquête sur les homicides illégaux et le recours excessif à la force durant les manifestations dans la région de Terai en 2015, les violations des droits économiques, sociaux et culturels des victimes du tremblement de terre, et le besoin d’une justice de transition crédible pour les victimes du conflit.

«  En tant que principal organisme constitutionnel indépendant chargé de promouvoir et de protéger les droits fondamentaux dans le pays, la NHRC joue un rôle essentiel s’agissant de garantir l’obligation pour le gouvernement de rendre des comptes et était tout à fait dans sa sphère de compétence, au titre de la Constitution népalaise comme des normes internationales, lorsqu’elle a présenté sa déclaration au Conseil des droits de l’homme dans le cadre de l’EPU, a déclaré Nikhil Narayan, conseiller juridique pour l’Asie du Sud à la CIJ. La manœuvre du Premier ministre visant à intimider les membres de la NHRC au sujet de cette déclaration bafoue l’obligation qui incombe au gouvernement de garantir la capacité de la NHRC à faire son travail en toute indépendance et sans ingérence indue. »

S’il est tout à fait approprié que le Premier ministre, ainsi que d’autres parties prenantes, s’entretiennent avec la NHRC, ces échanges doivent se dérouler dans le respect de l’exercice légitime du mandat constitutionnel de l’institution, de manière indépendante et sans ingérence injustifiée ni intimidation. Les membres de la NHRC présents lors de la rencontre ont unanimement exprimé le sentiment que K.P. Sharma Oli, en posant des questions de manière agressive et en les réprimandant quant au contenu de certaines parties de la présentation, tentait d’intimider la commission et en particulier la commissaire Mohna Ansari, les questions semblant lui être exclusivement destinées.

Les Principes de Paris ont défini des normes internationales conçues pour guider le travail des institutions nationales de défense des droits humains de manière crédible, indépendante et efficace. Élément majeur, ces Principes définissent le rôle, la composition, le statut et les fonctions de ces organismes, notamment concernant le dialogue avec des institutions régionales et de l’ONU. Ils prévoient que les États sont tenus de garantir leur réelle indépendance à la faveur d’un mandat élargi, de financements adéquats et d’un processus de nomination ouvert et transparent.

En outre, la Déclaration des Nations unies sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus (Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme) réaffirme le droit des institutions et des défenseurs des droits humains de faire campagne pour les droits au niveau national et international, y compris en ouvrant le dialogue avec l’ONU et d’autres organisations intergouvernementales.

« Le contenu et le ton de l’entretien, notamment les insinuations portant sur les préjugés et l’absence de neutralité, visant particulièrement la commissaire Mohna Ansari qui a représenté la NHRC à Genève, ont témoigné d’une volonté, non pas de clarification, mais d’intimidation dans le but de limiter le rôle et l’efficacité de la NHRC », a déclaré Champa Patel, directrice du Bureau régional pour l’Asie du Sud à Amnesty International.

D’après des informations parues dans les médias, les discussions entre les commissaires et le Premier ministre ont mis en lumière la volonté de celui-ci de discréditer la déclaration de la commission en la réduisant à des opinions personnelles de la commissaire Mohna Ansari ou à celles d’une ONG.

Le 10 avril, Anup Raj Sharma a réfuté cette vision dans une déclaration publique, précisant que « la déclaration présentée par la porte-parole de la NHRC Mohna Ansari lors de la session de l’EPU était bien celle de la commission et non la sienne », et que l’« [i]mpunité affecte l’ensemble de la promotion et de la protection des droits humains  ».

Amnesty International, Human Rights Watch et la CIJ ont à maintes reprises mis en lumière des préoccupations similaires à celles présentées par la commission lors de l’EPU. Le Premier ministre et le gouvernement du Népal doivent mettre en œuvre sans délai les recommandations de la commission au sujet des dispositions discriminatoires de la Constitution, de l’impunité pour les auteurs des violences commises à Terai, de la justice dans le cadre du processus de transition et de la protection des droits des victimes du tremblement de terre.

Le Premier ministre et le gouvernement du Népal doivent assurer publiquement qu’ils respecteront et garantiront l’indépendance et l’intégrité de la Commission nationale des droits humains, principal organe de défense des droits créé par la Constitution, conformément aux normes internationales.

« Le Premier ministre a outrepassé son autorité et ses manœuvres visant à intimider la NHRC et à s’ingérer dans son travail vont à l’encontre des Principes de Paris, qui prévoient clairement la mise en place d’institutions autonomes et indépendantes, a déclaré Meenakshi Ganguly, directrice pour l’Asie du Sud chez Human Rights Watch. Il ne semble pas disposé à reconnaître que la NHRC n’est pas un outil de l’exécutif, soumis aux ordres du gouvernement, mais qu’elle agit de manière indépendante. »

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