Communiqué de presse

Cinq ans après, le gouvernement tchèque n’a toujours pas mis fin à la discrimination des enfants roms à l’école

En République tchèque, les enfants roms sont toujours privés des possibilités d’éducation offertes aux autres élèves, cinq ans après que la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré que les autorités avaient fait acte de discrimination, écrivent Amnesty International et le Centre européen pour les droits des Roms (CEDR) dans un rapport publié jeudi 8 novembre.

« Le système éducatif en République tchèque manque à ses obligations envers les enfants roms, ce qui a des répercussions dévastatrices pour leur avenir. Des milliers d’élèves roms sont pris au piège dans des écoles qui leur sont réservées, ce qui leur laisse peu de chances de poursuivre leurs études et limite drastiquement leurs possibilités en termes d’emploi », a déploré Dezideriu Gergely, directeur exécutif du CEDR.

« Malheureusement, de nombreux élèves roms en République tchèque revivent aujourd’hui l’expérience des requérants qui ont porté plainte auprès de la Cour européenne il y a plus de 10 ans. »

Dans le rapport intitulé Five more years of injustice : Segregated education for Roma in the Czech Republic, il apparaît clairement que les enfants roms continuent d’être surreprésentés dans les écoles et les classes réservées aux enfants souffrant de handicaps mentaux légers, et placés dans des écoles réservées aux Roms. Ce rapport pointe du doigt les lacunes du système éducatif tchèque qui exclut les enfants roms du système classique.

« Depuis cinq ans, le gouvernement ne s’est pas attaqué à ce problème. En cela, il a gravement bafoué les obligations qui lui incombent. Le droit à l’éducation sans discrimination est inscrit dans le droit international relatif aux droits humains depuis au moins 1948. Malgré cela, et malgré l’arrêt rendu en 2007 par la Cour européenne, les enfants roms continuent d’être privés de ce droit fondamental », a indiqué John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

En novembre 2007, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la République tchèque, estimant qu’elle avait bafoué le droit des enfants roms à une éducation libre de toute discrimination, en les plaçant dans
des « écoles spéciales » destinées aux élèves souffrant de handicaps mentaux légers, où ils recevaient une éducation de qualité inférieure.

« Le gouvernement tchèque a certes reconnu l’existence de ségrégation envers les enfants roms dans les écoles, mais n’a pas été capable de mettre en œuvre ses propres projets et engagements en vue de l’éradiquer », a estimé John Dalhuisen.

« Le système éducatif tchèque permet d’orienter trop facilement des élèves vers un enseignement " pratique ". Ces dispositions touchent particulièrement les enfants roms, qui sont toujours surreprésentés dans cette branche de l’enseignement », a expliqué Dezideriu Gergely du CEDR.

Le rapport d’Amnesty International et du CEDR braque les projecteurs sur quatre écoles d’Ostrava, connues pour être réservées aux Roms. Il s’appuie sur des entretiens avec des parents roms et leurs enfants actuellement inscrits dans les mêmes écoles que certains des requérants dans l’affaire jugée en 2007, D.H. et autres c. République tchèque.

Kristián est le frère de l’un des plaignants dans l’affaire portée devant la Cour européenne. Lorsqu’il était en quatrième année, dans une école élémentaire classique principalement fréquentée par des non-Roms, il a rencontré des difficultés à suivre le programme. À la suite de tests, un handicap mental léger a été diagnostiqué.

Le psychologue a dit à sa mère qu’elle devrait transférer Kristián dans une école pratique où le programme est allégé, au motif qu’il était « lent ». Le psychologue, pas plus que le système scolaire classique, n’ont proposé des initiatives afin de l’aider, telles qu’une aide individualisée ou des heures de soutien après la classe. Selon son frère Julek, qui comptait parmi les plaignants dans l’affaire D.H. et autres c. République tchèque, Kristián revit la même expérience que lui et Julek s’inquiète des conséquences que cela aura sur son avenir.

Les quatre enfants de Maria étaient également requérants dans la même affaire. Ils ont tous été scolarisés dans une école spéciale. Maria n’était pas satisfaite de la qualité de l’enseignement qui y était dispensé :
« Les enfants ne ramenaient jamais leurs devoirs ni des livres à la maison. […] Aucun d’entre eux n’est allé jusqu’au bout de ses années de collège, aujourd’hui ils sont tous au chômage et vivent des allocations sociales ». Lorsque sa petite-fille Laura a atteint l’âge d’être scolarisée, Maria voulait qu’elle intègre une école classique accueillant des Roms et des non-Roms : « Je voulais que Laura aille à l’école avec des enfants blancs, pour qu’elle ne finisse pas comme mes quatre enfants. »

« Sans accès à un enseignement de qualité, les Roms ne pourront sortir du cycle de la pauvreté et de la marginalisation. Tant que la fin de la ségrégation et la suppression d’un enseignement séparé et inégal ne seront pas placées au cœur de la politique tchèque en matière d’éducation, le cercle vicieux de la discrimination perdurera », a noté Dezideriu Gergely.

« Il est temps que les autorités fassent preuve de volonté politique afin de mettre un terme à la ségrégation dans les écoles. Pour commencer, elles doivent mettre en œuvre le Plan national d’action pour une école ouverte à tous et la Stratégie de lutte contre l’exclusion sociale, déjà existants, et réformer le système actuel des " écoles pratiques ". Elles doivent veiller à ce que toutes leurs mesures soient conformes aux normes régionales et internationales en matière d’éducation et de non-discrimination », a conclu John Dalhuisen

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