Chili : parodie de justice dans l’affaire du « navire de torture » de Pinochet

Un juge chilien est en train de faire du cas historique d’un prêtre torturé à bord d’un navire sous l’ère Pinochet une parodie de justice, a déclaré Amnesty International jeudi 14 juillet, après l’abandon des poursuites à l’encontre de la plupart des responsables présumés du décès de cet homme.

Vendredi 15 juillet, un nouvel appel interjeté par la famille de Michael Woodward contre les récentes décisions du juge présidant le tribunal – notamment la décharge de 19 des 29 anciens membres de la marine et de la police initialement inculpés – a été examiné.

Michael Woodward, prêtre catholique de nationalités britannique et chilienne, serait décédé à la suite des actes de torture qui lui auraient été infligés en 1973 à bord de l’Esmeralda, un navire de la marine où ont été interrogés des dizaines de prisonniers cette année-là.

Celui-ci sert toujours de bateau-école et joue le rôle d’« ambassadeur itinérant » du gouvernement chilien.


« Ce juge est en train de faire du cas de Michael Woodward une parodie de justice,
a estimé Guadalupe Marengo, directrice adjointe d’Amnesty International pour les Amériques.

« L’abandon des charges pour ce qui constitue des crimes au regard du droit international, alors même que certaines des personnes ayant fait l’objet d’une information judiciaire ont, semble-t-il, reconnu leur culpabilité, est totalement honteux. »

Les 10 anciens agents subalternes qui sont toujours poursuivis ne doivent désormais répondre que d’un enlèvement et non plus des crimes contre l’humanité que sont la torture et la disparition de Michael Woodward.

« Les officiers supérieurs qui ont donné l’ordre de commettre ces actes atroces sont tirés d’affaire », a ajouté Guadalupe Marengo.

Le juge d’instruction Miguel Julio Miranda a été désigné en mars. Il a abrégé l’enquête exhaustive entamée par son prédécesseur, Maria Eliana Quezada, et a abandonné une multitude de charges sans laisser aux avocats ni à la famille de Michael Woodward le temps d’interjeter appel.

Même le Conseil de sécurité nationale est en train de former un recours contre les décisions du juge, qui ont été prises sans être directement communiquées à cet organe gouvernemental, comme l’exige pourtant la loi.

Amnesty International a recueilli des informations sur un certain nombre de cas d’emprisonnement pour des motifs politiques et de torture à bord de l’Esmeralda en 1973, juste après le coup d’État militaire orchestré par le général Augusto Pinochet.

Michael Woodward a été arrêté le 16 septembre 1973 à Valparaiso par une patrouille navale puis emmené sur l’Esmeralda, où il a été interrogé et torturé. Six jours plus tard, son décès a été prononcé à l’hôpital naval de Valparaiso mais son corps n’a jamais été retrouvé.

Des personnes qui ont survécu aux interrogatoires menés à bord de l’Esmeralda ont évoqué des passages à tabac, des décharges électriques et des agressions sexuelles.

L’Esmeralda effectue actuellement un tour des Amériques et des manifestations locales contre son accostage au Canada ont récemment eu lieu.

« L’ironie du sort est que l’Esmeralda se déplace encore d’un port international à l’autre en tant que prétendu ambassadeur du Chili, alors même que les personnes soupçonnées d’être impliquées dans la tristement célèbre affaire de torture dont il a été le théâtre semblent échapper à la justice pour cet homicide, a expliqué Guadalupe Marengo.


« Le gouvernement chilien doit veiller à ce que tous les responsables présumés de ces crimes odieux, y compris les donneurs d’ordre, soient traduits en justice. »

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