Arabie saoudite, Il faut exiger la libération des militantes saoudiennes emprisonnées

Arabie saoudite Défenseures des droits humains

Du 20 au 22 octobre, l’Arabie saoudite accueillera le sommet Women20 (W20), qui, d’après son site Internet officiel, « réunira des expert·e·s, des représentant·e·s et des dirigeant·e·s de différents domaines qui échangeront en vue de partager, créer, accélérer et inspirer des solutions destinées à favoriser un avenir plus équitable pour les femmes. » À l’approche du sommet W20, Amnesty International adresse cette lettre ouverte à toutes les personnes et organisations participant au sommet.

Nous écrivons cette lettre ouverte pour faire part des profondes inquiétudes d’Amnesty International quant à la détention de femmes défenseures des droits humains en Arabie saoudite et pour demander à tous les participant·e·s au sommet W20 de prendre des mesures en vue de soutenir ces femmes courageuses avant et pendant ce sommet.

Depuis quelques années, le gouvernement saoudien tente d’améliorer son image, en consacrant des millions de dollars à une campagne de relations publiques qui encourage les autres États et les entreprises étrangères à investir dans le pays afin qu’il puisse concrétiser ses ambitions économiques pour 2030, qui constituent l’un de ses programmes phares. Pendant cette période, le gouvernement saoudien a engagé plusieurs réformes en matière de droits des femmes, en leur accordant notamment le droit d’obtenir un passeport, ce qui devrait leur donner la possibilité de sortir du pays sans l’autorisation d’un tuteur masculin.

Cependant, les femmes et les filles sont toujours en butte à des discriminations systématiques en droit et en pratique dans d’autres domaines, tels que le mariage, le divorce, l’héritage et la possibilité de transmettre la nationalité à leurs enfants. Les femmes et les filles restent insuffisamment protégées contre les violences, sexuelles entre autres, et continuent d’être arrêtées et inculpées par les autorités pour avoir désobéi aux ordres de leur tuteur masculin. Ainsi, malgré la promesse de l’Arabie saoudite, en tant qu’État membre du G20, de mettre en œuvre les objectifs de développement durable, notamment l’objectif 5 (Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles), et de respecter les engagements pris dans le cadre du G20 en vue de mettre fin à toutes les formes de violence et de discrimination à l’égard des femmes et des filles, le pays a continué de bafouer les droits humains les plus fondamentaux des femmes et de réduire au silence les personnes réclamant l’égalité.

En effet, derrière ces initiatives et ces réformes extrêmement médiatisées, l’État mène actuellement une campagne de répression, qui se caractérise par un climat d’intolérance et des violations des droits humains, notamment contre des militantes de renom. Bien que les autorités saoudiennes mettent en avant les réformes des droits des femmes, telles que la levée de l’interdiction de conduire en juin 2018, des militantes à l’instigation des revendications de changement ont été arrêtées arbitrairement depuis mai 2018 et font maintenant l’objet de procès. Ces femmes avaient fait campagne, pendant des années pour certaines, en faveur du droit de conduire, de l’abandon du système de tutelle masculine et de la garantie des droits civils et politiques pour toutes et tous en Arabie saoudite. Durant les trois premiers mois de leur détention, plusieurs de ces militantes ont été victimes de torture, de violences sexuelles et d’autres formes de mauvais traitements pendant qu’elles étaient détenues à l’isolement sans pouvoir entrer en contact avec leur famille ni un avocat. Certaines défenseures des droits humains ont été libérées à titre temporaire ou provisoire mais font toujours l’objet de poursuites et risquent donc d’être condamnées à des peines d’emprisonnement. Toutefois, Loujain al Hathloul, Nassima al Sada, Samar Badawi, Nouf Abdulaziz et Mayaa al Zahrani demeurent derrière les barreaux simplement parce qu’elles ont réclamé l’égalité.

Ces militantes courageuses doivent être relâchées immédiatement et sans condition afin qu’elles puissent poursuivre leur travail pacifique en faveur des droits humains, œuvrant à un avenir meilleur pour leur pays et sa population.

Le fait que l’Arabie saoudite préside le G20 cette année vous offre une occasion unique d’user de votre présence au sommet W20 pour appeler, publiquement et en privé, les autorités saoudiennes à libérer les militantes emprisonnées et introduire de véritables réformes en matière de droits humains et de droits des femmes, sans quoi toute prétention au « progrès » ou à un « changement positif » sera dénuée de sens et de valeur pour la population saoudienne, particulièrement pour les femmes.

Votre participation au sommet W20 ne doit pas permettre à l’Arabie saoudite de redorer son blason sur la scène internationale tout en continuant à emprisonner des militantes.
Par conséquent, Amnesty International vous demande instamment d’user de votre influence lors des réunions, publiquement et en privé, pour :

  • appeler les autorités saoudiennes à libérer immédiatement et sans condition les défenseures des droits humains saoudiennes emprisonnées (Loujain al Hathloul, Nassima al Sada, Samar Badawi, Nouf Abdulaziz et Mayaa al Zahrani) avant le sommet W20 du 20 au 22 octobre ;
  • appeler les autorités saoudiennes à abandonner les charges retenues contre les 13 militantes poursuivies en raison de leur travail de défense des droits des femmes.

Amnesty International est profondément convaincue que les participant·e·s au sommet W20 ont la possibilité et la responsabilité de soutenir les défenseures saoudiennes des droits humains emprisonnées et d’encourager la mise en œuvre de véritables réformes en matière de droits humains. Il s’agit d’une rare occasion pour les organisations et militant·e·s en faveur des droits des femmes de permettre des changements positifs en Arabie saoudite. Elle doit être utilisée à bon escient afin que la population puisse espérer un avenir meilleur.

Engagements du G20 à favoriser l’égalité des genres et à mettre fin aux violences liées au genre

En 2012, le G20 a déclaré : « Nous exprimons également notre ferme volonté de faire progresser l’égalité des sexes dans tous les domaines » (Déclaration des chefs d’État et de gouvernement).

En 2014, le G20 a déclaré : « Nous acceptons l’objectif de réduire de 25 % l’écart du taux de participation au marché du travail entre les femmes et les hommes d’ici 2025 » (Déclaration des chefs d’État et de gouvernement), et s’est engagé à « lutter contre les obstacles juridiques, réglementaires, culturels et comportementaux en matière d’opportunités professionnelles pour les femmes » (Priorités politiques pour renforcer la participation, la qualité de l’emploi et l’équité des genres, 2014).

En 2015, le G20 s’est engagé à mettre en œuvre l’Agenda 2030 et les objectifs de développement durable, notamment l’Objectif 5 (Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles), (Déclaration des chefs d’État et de gouvernement). En 2016, le G20 a annoncé un Plan d’action pour la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable, s’engageant notamment à « mettre en œuvre l’Agenda 2030 à l’échelle nationale, conformément aux priorités, exigences et capacités nationales, et à l’échelle internationale en favorisant des sociétés en paix, justes, et inclusives, libres de toute peur ou violence ».

En 2017, le G20 a déclaré : « nous sommes résolus à relever les défis communs auxquels doit faire face la communauté internationale, notamment [...] l’inégalité entre les genres, et à nous en servir comme point de départ pour instaurer un développement et une stabilité durables », (Déclaration des chefs d’État et de gouvernement).

Il s’est également engagé à « prendre de nouvelles mesures pour améliorer la qualité de l’emploi des femmes et éliminer la discrimination en matière d’emploi, ainsi que pour réduire les écarts de rémunération entre hommes et femmes et protéger ces dernières contre toutes formes de violence » et à « protéger les droits humains de toutes les personnes, quel que soit leur statut », (Déclaration des chefs d’État et de gouvernement).

Les conséquences de la cyberviolence envers les femmes et les filles ont également été soulevées en 2017, et le G20 a encouragé « la prévention et la réponse actives en matière de cyberviolence en vue de veiller à ce que les espaces numériques soient libres de violences liées au genre et soient des espaces sûrs permettant aux femmes d’être des citoyennes numériques actives » (Initiative #eSkills4Girls du G20, « G20 Initiative "#eSkills4Girls" : Transforming the Future of Women and Girls in the Digital Economy »).

En 2018, le G20 a déclaré qu’il « continuerait de promouvoir les initiatives destinées à mettre fin à toutes les formes de discrimination envers les femmes et les filles et aux violences liées au genre » (Déclaration des chefs d’État et de gouvernement).

En 2019, les chefs d’État du G20 ont réaffirmé qu’ils s’engageaient à « prendre des mesures additionnelles pour améliorer la qualité des emplois des femmes, à réduire l’écart de salaire entre les hommes et les femmes, à mettre fin à toute forme de discrimination à l’endroit des femmes et à lutter contre les stéréotypes, ainsi qu’à reconnaitre les femmes en tant qu’agentes de la paix et actrices dans la prévention et la résolution des conflits » (Déclaration des chefs d’État et de gouvernement).

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