Angola : Proposition juridique au gouvernement en matière de droits humains

Le 23 août 2017, les Angolais se rendront aux urnes pour élire un successeur au président José Eduardo dos Santos, du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), au pouvoir depuis près de 40 ans. Au cours de cette période, le pays fut le théâtre de violations graves et systématiques des droits humains.

Le silence des armes de la guerre civile entre le MPLA et l’UNITA (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola), qui a marqué l’entrée dans une ère de paix, a en fait laissé place à des violations systémiques des droits humains. Des défenseurs des droits humains, des journalistes, des détracteurs du gouvernement et des manifestants pacifiques meurent sous les armes du gouvernement, lorsqu’ils ne sont pas mutilés à coups de matraques ou par des attaques de chiens. Ceux qui sont encore en vie subissent intimidations et menaces en vue de les réduire au silence.

À l’approche de ces élections, il est important de rappeler aux autorités angolaises les nombreuses atteintes aux droits humains qui ont été et sont commises et d’inviter le nouveau gouvernement à créer un climat propice à l’essor des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, ainsi qu’à l’état de droit.

Amnesty International demande au nouveau gouvernement angolais (1) d’abolir les lois répressives, (2) de mettre un terme aux restrictions des droits civils et politiques et (3) de mettre en œuvre le droit à un logement adéquat.

Les autorités judiciaires en Angola ont montré qu’il est possible d’abolir les lois répressives et de faire respecter la Constitution. Récemment, la Cour constitutionnelle a pris la décision courageuse d’annuler la Loi sur les ONG adoptée le 23 mars 2015 par le décret présidentiel n° 74/15. Cette loi modifiait le cadre légal pour les activités des organisations non gouvernementales (ONG) opérant en Angola, soulevant des inquiétudes quant au rétrécissement de l’espace dédié à la société civile – critères excessifs et procédures aberrantes pour l’enregistrement des ONG, contrôle excessif des activités des ONG, lourdes restrictions imposées à leur financement, obligations insensées incombant aux ONG et sanctions excessives les visant.

I. ABOLIR LES LOIS RÉPRESSIVES

Pour faire taire les détracteurs, particulièrement les journalistes et les universitaires, le gouvernement angolais a adopté des lois sur la diffamation, entre autres, afin de restreindre la liberté d’expression et la circulation de l’information. Les autorités utilisent fréquemment l’appareil judiciaire et d’autres institutions de l’État de manière abusive pour réduire au silence l’opposition.

Lois sur les médias et la communication

En janvier 2017, le Congrès angolais a adopté cinq projets de loi limitant l’exercice de la liberté d’expression, notamment la liberté de la presse, dans le pays. Ce « Pack sur les communications sociales » englobe :
• Loi N° 1/17 : Loi relative à la presse
• Loi N° 2/17 : Autorité de régulation des communications sociales en Angola
• Loi N° 3/17 : Loi sur l’exercice des activités de télédiffusion
• Loi N° 4/17 : Loi sur l’exercice des activités de radiodiffusion
• Loi N° 5/17 : Loi relative au statut des journalistes

Cet ensemble de lois présente une série de régulations des communications sociales (ou communications de masse) et établit même une entité administrative chargée de réguler et de superviser les communications sociales en Angola. Cette autorité de régulation en particulier est dotée de vastes prérogatives de réglementation et de surveillance, dont celles de décider si une communication donnée respecte les bonnes pratiques journalistiques, ce qui revient à censurer et entraver la libre circulation des idées et des opinions. La majorité de ses membres sont désignés par le parti au pouvoir et le parti disposant du plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale (le MPLA dans les deux cas), ce qui laisse craindre que cet organe ne soit une institution politique faisant taire les voix critiques et divergentes.

Loi relative à la diffamation

En Angola, la diffamation est considérée comme un crime, et sert d’outil pour supprimer les médias libres et le journalisme d’investigation questionnant le gouvernement. Les journalistes sont systématiquement pris pour cibles en étant accusés de diffamation lorsqu’ils dénoncent la corruption et les malversations du gouvernement.

Rafael Marques de Morais, journaliste d’investigation et défenseur des droits humains, a été déclaré coupable de diffamation en 2015 et condamné à six mois de prison pour « dénonciation calomnieuse » à l’encontre de 12 personnes, dont des membres des forces armées. Il avait écrit un article sur leur complicité présumée dans des violations des droits humains commises dans les mines de diamant des provinces de Lunda-Nord et Lunda-Sud.

Les lois relatives à la diffamation empêchent de dresser un portrait fidèle des responsables politiques, car ils sont protégés contre le journalisme d’investigation susceptible de révéler leurs méfaits. Au titre de la Loi relative aux crimes contre la sécurité de l’État, calomnier le président et des représentants du gouvernement peut être considéré comme une menace pour la sûreté nationale et une infraction pénale.

Aligner la Loi relative à la sécurité nationale sur la Constitution

La Loi relative aux crimes contre la sécurité de l’État, adoptée en décembre 2010 en violation des obligations de l’Angola en termes de droits humains, est utilisée par le gouvernement pour restreindre l’exercice de ces droits. Elle restreint la liberté d’expression et est invoquée pour justifier la détention arbitraire, notamment des journalistes. L’article 25 – Outrage à l’État, ses symboles et ses organes – énonce que le fait d’offenser publiquement la République d’Angola ou le président par des mots, des images, des écrits ou des sons, peut être considéré comme une atteinte à la sûreté de l’État, passible d’une peine maximale de trois ans de prison.

Au titre de cette loi, José Marcos Mavungo, défenseur des droits humains et ancien prisonnier d’opinion, a été condamné à six ans de prison en 2015 pour « rébellion », une atteinte à la sûreté de l’État, pour avoir participé à l’organisation d’une manifestation pacifique. La Cour suprême a par la suite statué que les preuves contre lui étaient insuffisantes et a ordonné son acquittement.

En Angola, les manifestations sont encadrées par la Constitution et la Loi du 11 mai 1991 relative au droit de réunion et de manifestation. L’article 47 de la Constitution dispose : « Les libertés de réunion et de manifestation pacifique non armée doivent être garanties à tous les citoyens, sans autorisation particulière et aux termes de la loi. » L’article 3 de la Loi sur les manifestations protège le droit d’association et de réunion pacifique : « Tous les citoyens ont le droit de se réunir et de manifester librement et pacifiquement, dans des lieux publics, ouverts au public et aux citoyens, sans avoir besoin d’une quelconque autorisation… »

Cependant, dans les faits, ces lois sont constamment bafouées par les autorités angolaises, qui gèrent les manifestations pacifiques en faisant usage d’une violence disproportionnée. L’article 26 de la Loi relative aux crimes contre la sécurité de l’État détermine que « les émeutes, les troubles ou les affrontements » qui « perturbent le fonctionnement des autorités souveraines » sont considérés comme des crimes contre la sécurité de l’État, passibles de deux ans de prison. Énoncé en termes vagues, ce texte ne précise pas quelles activités peuvent être considérées comme perturbant le fonctionnement des organismes publics.

II. METTRE FIN AUX RESTRICTIONS DES DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Les interdictions imposées aux libertés de réunion pacifique, d’association et d’expression sont une pratique plutôt commune en Angola. Les journalistes, les détracteurs du gouvernement, les dissidents politiques, les défenseurs des droits humains, les manifestants pacifiques sont systématiquement en butte à l’intimidation, aux menaces et aux violences imputables aux forces de sécurité.

Mettre fin aux restrictions à la liberté de réunion

Les autorités empêchent souvent la tenue de manifestations pacifiques alors qu’il n’existe aucune obligation de disposer d’une autorisation pour manifester en Angola. Celles qui ont pu avoir lieu ont souvent donné lieu à des arrestations et placements en détention arbitraires de manifestants pacifiques par la police. Ainsi, le 24 juin 2017, les forces de sécurité gouvernementales ont violemment dispersé un rassemblement pacifique organisé par le mouvement du protectorat Lunda-Tchokwe, dans la province de Lunda-Nord, et ont tué un passant, blessé 13 personnes et arrêté 70 manifestants. Les manifestants réclamaient l’autonomie, la fin de la persécution et de la détention arbitraire de membres de leur mouvement, et la libération des prisonniers politiques de la prison de Kakanda, dans la province de Lunda-Nord.

Le 28 mars 2015, les 17 jeunes militants appelés les « Angola 15+2 », ont été reconnus coupables d’« actes préparatoires de rébellion » et de « complot criminel » et condamnés à des peines d’emprisonnement allant de trois mois à huit ans et demi, ainsi qu’à des amendes de 50 000 kwanzas (255 euros) chacun pour couvrir les frais de justice, et ont été incarcérés. Ils ont été arrêtés et détenus après avoir participé à une réunion pour débattre de préoccupations liées à la politique et à la gouvernance.

Le 30 juillet 2015, plus de 30 militants pacifiques ont été arrêtés arbitrairement et maintenus jusqu’à sept heures en détention dans la ville de Benguela. Ils s’apprêtaient à participer à une manifestation pacifique organisée par le Mouvement révolutionnaire de Benguela afin de réclamer des mesures efficaces contre l’inflation. Ils ont tous été relâchés sans inculpation. Quelques jours plus tard, quatre d’entre eux ont été de nouveau arrêtés, cette fois encore sans mandat. Ils ont été libérés sous caution. Personne n’a eu à rendre de comptes pour ces arrestations et détentions arbitraires.

Mettre fin aux restrictions à la liberté d’association

Des organisations de la société civile travaillant sur les droits humains, à l’image d’OMUNGA et de SOS-Habitat, n’ont pu utiliser librement leurs fonds, y compris ceux reçus de sources internationales, en raison de restrictions imposées indûment. Les banques ont bloqué l’accès à leurs comptes. Cette mesure les a non seulement empêchées de mener à bien leurs activités légitimes, mais a aussi porté atteinte à leur droit de chercher et de recevoir des ressources, et a eu des répercussions plus larges sur les droits humains en général. Elles ont porté plainte auprès d’institutions publiques chargées de surveiller les activités bancaires, mais n’avaient reçu aucune réponse à la fin de l’année 2016.

Mettre fin aux restrictions à la liberté d’expression

La Loi relative aux crimes contre la sécurité de l’État et le Code pénal, associés aux lois relatives à la presse récemment adoptées – Loi relative à la presse, Loi organique sur l’autorité de régulation des communications sociales, Loi relative au statut des journalistes, Loi sur l’exercice des activités de radiodiffusion, Loi sur l’exercice des activités de télédiffusion – constituent l’édifice anti-liberté d’expression par lequel, le 20 juin 2017, Rafael Marques de Morais, journaliste d’investigation et rédacteur en chef de Maka Angola, et Mariano Brás Lourenço, journaliste et rédacteur en chef d’O Crime, ont été inculpés d’« insulte à l’autorité publique » et d’« outrage à une autorité souveraine », en raison d’un de leurs articles qui remettait en cause l’acquisition de terrains publics par le procureur général de l’Angola.

III. METTRE EN ŒUVRE LE DROIT À UN LOGEMENT DÉCENT

Lors de l’examen de la situation de l’Angola en 2016, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] a exprimé sa préoccupation quant à la persistance des expulsions forcées, notamment dans les zones d’habitats informels et dans le cadre de projets de développement, sans que les garanties de procédure nécessaires soient apportées ou que les personnes et les groupes concernés se voient accorder une solution de relogement ou une indemnisation suffisante. Les populations expulsées étaient relogées dans des habitations de fortune, sans accès satisfaisant aux services essentiels tels que l’eau, l’électricité, les installations sanitaires, les soins de santé et l’éducation.

Le 6 août 2016, un militaire a abattu un adolescent de 14 ans, Rufino Antônio, qui se tenait devant sa maison pour empêcher sa destruction. Ce jour-là, la police militaire avait été déployée sur les lieux en réponse à une manifestation organisée contre la démolition de logements à Zango II, dans la municipalité de Viana (province de Luanda), dans le cadre d’un projet de développement. Une enquête a été ouverte sur cet homicide mais à ce jour, personne n’a été amené à rendre des comptes.

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