Algérie, un journaliste incarcéré doit être libéré et ses organes de presse autorisés à rouvrir

Algérie, un journaliste incarcéré doit être libéré et ses organes de presse autorisés à rouvrir

Le 15 janvier, les autorités algériennes ont renouvelé arbitrairement la détention provisoire du journaliste bien connu Ihsane El Kadi en l’absence de son équipe de défense. Accusé d’infractions forgées de toutes pièces en lien avec la sûreté de l’État, Ihsane El Kadi doit être libéré immédiatement et les deux médias qu’il dirige, mis sous scellés le 24 décembre, doivent être autorisés à rouvrir.

Le 15 janvier, un juge du tribunal de Sidi M’hamed à Alger a renouvelé la décision de le maintenir en détention provisoire. Aucun avocat de son équipe de défense n’était présent à ce moment-là pour contester la légalité de son incarcération, le tribunal ne les ayant pas informés que cette audience d’appel, prévue initialement le 18 janvier, était avancée de quelques jours.

« La détention injustifiée d’Ihsane El Kadi est une grave injustice exacerbée par la violation de ses droits à un procès équitable. C’est un nouvel exemple de la campagne acharnée des autorités algériennes visant à faire taire les voix dissidentes, en procédant à des arrestations arbitraires et en fermant des organes de presse, a déclaré Amna Guellali, directrice régionale adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.

« Le fait que la détention provisoire d’Ihsane El Kadi ait été prolongée en l’absence de ses avocats et que la cour ne les ait pas informés du changement de date d’audience, piétine clairement son droit à un procès équitable. Les autorités doivent le libérer immédiatement et permettre la réouverture de ses organes de presse sans censure des contenus critiques. »

Peu après minuit le 24 décembre, des membres des forces de sécurité en civil ont interpellé Ihsane El Kadi à son domicile à Zemmouri, ville côtière située à 40 kilomètres à l’est d’Alger. Plus tard dans la journée, ils l’ont conduit, menotté, dans les locaux de ses médias en ligne Radio M et Maghreb Emergent. Ils ont ordonné aux employés de partir, ont saisi des ordinateurs et divers matériels, et mis sous scellés les locaux. Quelques jours avant son arrestation, Ihsane El Kadi avait publié une analyse [1] de la situation politique algérienne, soulignant le rôle de l’armée dans les élections présidentielles.

Selon un membre de sa famille, qui a demandé à garder l’anonymat, les membres des forces de sécurité n’avaient pas présenté de mandat avant de l’arrêter et ne l’avaient pas informé des accusations justifiant son arrestation. Il a ensuite été détenu pendant cinq jours et interrogé au sujet de ses publications à la caserne d’Antar à Alger, que contrôle la Direction générale de la sûreté intérieure.

Le 29 décembre, un juge d’instruction auprès du tribunal de première instance de Sidi M’hamed à Alger a ordonné le placement en détention d’Ihsane El Kadi à la prison d’El Harrach. Un procureur l’a ensuite inculpé de plusieurs infractions, notamment d’avoir reçu « des fonds, un don ou un avantage susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’État », reçu « de provenance étrangère, des fonds de propagande » en se livrant à une « propagande politique » et « distribué, mis en vente, exposé au regard du public à des fins de propagande, des tracts, bulletins et papillons de nature à nuire à l’intérêt national », au titre des articles 95 bis, 95 et 96 du Code pénal, respectivement.

Le juge a aussi accusé le journaliste en se fondant sur l’Ordonnance 77-3, datant de 1977, qui exige une autorisation préalable du wali ou du ministre de l’Intérieur pour toute initiative de collecte de fonds.

Ihsane El Kadi a été condamné le 25 décembre à une peine de six mois de prison devant encore être appliquée, ainsi qu’à une amende pour « publication de fausses informations », en lien avec un article [2] du 23 mars 2021 dans lequel il défendait le rôle au sein du Hirak du groupe politique non enregistré Rachad, que les autorités ont classé dans la catégorie des organisations terroristes. À plusieurs reprises, Ihsane El Kadi avait été convoqué à la caserne d’Antar pour être interrogé sur son travail.

Les poursuites intentées contre Ihsane El Kadi succèdent à d’autres cas de harcèlement, d’intimidation et d’incarcération illégale de journalistes en Algérie. Ces dernières années, au moins 11 journalistes ont été arrêtés, convoqués ou déclarés coupables.

« Il est choquant et honteux que les autorités algériennes sanctionnent la liberté de la presse et le droit à la liberté d’expression sous prétexte d’assurer la sécurité nationale. Ihsane El Kadi et tous ses confrères doivent pouvoir évoquer librement des questions liées à la sécurité, même lorsque cela implique de critiquer les détenteurs du pouvoir », a déclaré Amna Guellali.

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