Communiqué de presse

Afghanistan. Des témoignages sur le règne de la terreur des talibans à Kunduz

Tueries, viols en réunion et fouilles systématiques perpétrés par les escadrons de la mort talibans ne sont que quelques-uns des faits signalés dans les témoignages de civils de Kunduz, tandis que les forces afghanes ont affirmé jeudi 1er octobre avoir repris le contrôle de zones clés de cette ville du nord, a déclaré Amnesty International.

L’organisation a parlé à de nombreuses personnes, des femmes pour la plupart, ayant fui Kunduz depuis lundi 28 septembre, lorsque les talibans ont soudainement lancé l’assaut contre la ville. Des défenseures des droits humains de Kunduz ont évoqué une « liste de cibles » utilisée par les talibans pour retrouver militants et autres, et expliqué que les combattants ont violé et tué de nombreux civils.

« Les témoignages que nous avons recueillis dépeignent le règne de la terreur imposé par les talibans lorsqu’ils ont pris Kunduz cette semaine. Les nombreux témoignages crédibles faisant état d’homicides, de viols et d’autres atrocités infligées aux résidents de la ville doivent inciter les autorités afghanes à en faire plus désormais pour protéger les civils, en particulier dans les zones où de nouveaux affrontements semblent imminents », a déclaré Horia Mosadiq, spécialiste de l’Afghanistan à Amnesty International.

« Des combats nourris se poursuivent car les forces afghanes essaient de reprendre le contrôle total de Kunduz et de rétablir l’ordre. La protection des civils contre de nouveaux assauts et graves violations aux mains des talibans est d’une importance capitale. »

« De nombreuses agences humanitaires ont courageusement continué leur travail à Kunduz et aux alentours ces derniers jours. Elles doivent bénéficier d’un laisser-passer afin de pouvoir mener à bien leur action vitale. Des milliers de personnes ayant été forcées à quitter leur domicile, il est également crucial que toutes les parties s’entendent sur la mise en place d’un couloir humanitaire qui permette aux civils de quitter la ville en toute sécurité. »

La « liste de cibles » des talibans

Une femme qui prête assistance aux victimes de violences domestiques à Kunduz et s’est échappée dans une province voisine afin de se mettre en sécurité a déclaré à Amnesty International que les talibans utilisaient une liste pour retrouver leurs cibles. Elle contiendrait les noms et photos de militants, journalistes et fonctionnaires résidant à Kunduz.

Cette femme a indiqué que les barrages érigés par les talibans sur les routes permettant de quitter la ville ont forcé de nombreuses personnes, elle y compris, à fuir à pied. Elles ont marché pendant plus de sept heures sur des terrains accidentés ; au bout de leur périple, elles étaient à bout de forces et avaient les pieds en sang.

Lorsque les talibans ont pris le contrôle de la Direction nationale de la sécurité et d’autres bureaux gouvernementaux et locaux d’organisations non gouvernementales (ONG) à Kunduz le 28 septembre, ils ont eu accès à des pages et des pages d’informations concernant le personnel des ONG, des fonctionnaires et des membres des forces de sécurité - notamment leurs adresses, numéros de téléphone et photos.

Depuis lors, les combattants talibans ont semble-t-il utilisé de jeunes garçons pour les aider à effectuer des fouilles en frappant à toutes les portes afin de retrouver et d’enlever leurs cibles, y compris des femmes.

Une autre défenseure des droits des humains a vu son domicile et son bureau incendiés et pillés par les talibans dans la nuit de mardi 29 septembre. Les combattants talibans ne cessaient de l’appeler pour lui demander où se trouvaient les femmes qu’elle avait aidées.

Avec plusieurs autres femmes, elle a bénéficié d’une aide leur ayant permis de fuir et de se mettre en sécurité avec leurs enfants. Mais elle a déclaré à Amnesty International que ses proches et elle s’étaient échappés sans rien d’autre que les habits qu’ils avaient sur le dos, et que l’expérience les avait terrifiés.

Meurtres et viols de masse

Selon des militants locaux, les combattants talibans ont également violé des parentes et tué des proches - y compris des enfants - de responsables de la police et de soldats, en particulier ceux travaillant pour la police afghane locale. Les talibans ont par ailleurs pillé et incendié les maisons de ces familles.

Un membre de la famille d’une femme qui travaillait comme sage-femme à la maternité de Kunduz a déclaré à Amnesty International que des talibans ont fait subir à celle-ci et à une de ses collègues un viol en réunion et les ont tuées, car ils les accusaient d’avoir proposé des services de santé reproductive aux femmes de la ville.

Les talibans ont relâché tous les hommes se trouvant en prison à Kunduz et leur ont donné des armes pour lutter contre les forces gouvernementales. Des prisonnières ont été violées et frappées, puis les talibans en ont enlevé certaines et relâché d’autres.

Un témoin a déclaré à Amnesty International qu’une civile de son quartier avait été blessée par balle lors d’affrontements entre les talibans et les forces afghanes de sécurité. Les combattants talibans ont réagi à ses hurlements de douleur en entrant chez elle et en lui tirant à bout portant dans la tête, forçant son mari à la regarder mourir.

« Lorsque les talibans ont pris le contrôle de Kunduz, ils ont affirmé qu’ils amenaient l’ordre public et la charia dans la ville. Mais ils n’ont rien fait d’autre que bafouer les deux. Je ne sais pas qui peut nous sauver de cette situation », a déclaré une défenseure des droits humains à Amnesty International.

Craintes d’attaques en représailles

À l’heure où les forces gouvernementales afghanes reprennent le contrôle de Kunduz, Amnesty International leur demande de ne pas se venger contre les talibans capturés ou blessés. Il convient d’enquêter sur tout combattant taliban soupçonné d’avoir commis des violations graves du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains, et de le juger dans le cadre de procès équitables excluant la peine de mort.

« Rompre le cycle de la violence et rétablir l’état de droit implique de veiller à ce que les troupes et autorités afghanes ne se vengent pas sur les prisonniers, ce qui constituerait un crime de guerre », a déclaré Horia Mosadiq.

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