Des actes de torture mis en scène par des militants d’Amnesty

Chine ambassade Bruxelles

Ce vendredi, des militant·e·s d’Amnesty International ont reconstitué devant l’ambassade de Chine, à Bruxelles, des scènes de torture et de mauvais traitements basées sur des témoignages de personnes appartenant aux minorités ethniques musulmanes de la région autonome ouïghoure du Xinjiang et ayant été détenues dans des camps d’internement de l’État chinois.

Vêtu·e·s de combinaisons bleues (en référence aux tenues des prisonnier·ère·s dans les camps d’internement), trois miltant·e·s ont ainsi été menotté·e·s sur une chaise et trois autres couché·e·s dans une cage devant des reproductions de grande taille de deux dessins illustrant ces tortures et mauvais traitements. Parallèlement, une large bannière a appelé à la libération des personnes issues des minorités ethniques musulmanes injustement détenues dans les camps d’internement.

À cette occasion, des député·e·s belges – Sophie Rohonyi et Samuel Cogolati, membres de la Chambre des représentants ; Julien Uyttendaele et Jamal Ikazban, députés bruxellois ; Staf Aerts, député flamand – étaient présent·e·s pour montrer leur solidarité avec les centaines de milliers de musulman·e·s victimes d’emprisonnement, de torture et de persécutions à grande échelle orchestrés par l’État dans la région du Xinjiang.

Les militant·e·s ont par ailleurs tenté de remettre à l’ambassade deux pétitions signées par près de 33 000 personnes en Belgique francophone demandant respectivement le regroupement des familles ouïghoures et la libération des centaines de milliers de personnes appartenant aux minorités musulmanes détenues arbitrairement et soumises à l’internement de masse, à la torture et à la persécution au Xinjiang – cette dernière pétition a récolté 323 832 signatures dans le monde. Face au refus de l’ambassade d’ouvrir sa porte, les militant·e·s ont glissé les signatures sous le portail.

« En Belgique et dans le monde, des centaines de milliers de personnes s’insurgent contre les crimes contre l’humanité et autres graves violations des droits humains que subissent les musulman·e·s dans le Xinjiang, explique Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International. Cela indique clairement que les citoyen·ne·s dans le monde entier ne se laissent pas abuser par les efforts de la Chine pour faire taire ses détracteurs et réagissent fortement aux informations crédibles sur les atrocités qu’elle commet dans le Xinjiang. Chaque signature est un appel direct à la Chine pour qu’elle mette fin à cette persécution systématique. »

Nouveaux témoignages des familles

Amnesty International a interrogé des dizaines de proches de personnes détenues arbitrairement dans le Xinjiang et a récemment diffusé de nouvelles vidéo [1] relatant leur expérience.

La sœur de Memeteli, Hayrigul Niyaz [2], a été arrêtée après être revenue de ses études à l’étranger ; son frère n’a aucune information quant au lieu où elle se trouve dans le Xinjiang. Memeteli a déclaré à Amnesty International : « Si je la revois un jour, je lui dirai : " Désolée, ma sœur, de n’avoir pas réussi à t’épargner les camps ".

Le père d’Adila, Sadir Ali [3], a été arrêté en 2018 et condamné à 20 ans de prison, semble-t-il parce qu’il jeûnait pendant le Ramadan. Adila a déclaré : « Au plus profond [de mon] cœur, je ne serai plus jamais heureuse, car mon père est en prison ou dans un camp. Pourquoi le gouvernement chinois nous traite-t-il ainsi ? » Elle a indiqué qu’elle n’a pas pu se rendre dans sa ville natale depuis 11 ans et a perdu contact avec ses proches dans le Xinjiang.

Abduweli Ayup, militant ouïghour bien connu qui réside désormais en Norvège, évoque le sort de sa sœur, Sajidugul Ayup [4] et de son frère Erkin Ayup [5], qui purgent respectivement des peines de 12 et 14 ans de prison, dans le Xinjiang, pour « incitation au terrorisme » : « J’ai l’impression que dès que je fais quelque chose, c’est dangereux pour ma famille. Personne ne peut protéger les membres de ma famille contre les sanctions. Je sais que mes mots peuvent mettre le gouvernement chinois très en colère, mais je tiens à dire au gouvernement chinois que je ne vais pas me contenter de les regarder torturer ma sœur. Je n’ai plus peur de m’exprimer. »

Obligation de rendre des comptes

En juin 2021, Amnesty International a publié un rapport dévoilant que les Ouïghours, Kazakhs et autres minorités ethniques à majorité musulmane du Xinjiang sont en butte à l’emprisonnement, la torture et les persécutions infligés à grande échelle et de manière systématique par l’État, s’apparentant ainsi à des crimes contre l’humanité.

Le gouvernement chinois refuse de reconnaître la réalité de la situation dans le Xinjiang, de mettre fin aux violations des droits humains ou de mener des enquêtes impartiales et approfondies en vue de poursuivre en justice les responsables présumés dans le cadre de procès équitables, en excluant tout recours à la peine de mort.

Parallèlement, les organes et les États membres de l’ONU font preuve de lenteur dans leur réaction face aux violations. En effet, une autre session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU s’est achevée la semaine dernière sans qu’aucune mesure officielle ne soit prise pour remédier aux violations perpétrées dans le Xinjiang.
Dans une lettre ouverte aux États membres de l’ONU, Amnesty International a appelé la communauté internationale à condamner avec la plus grande fermeté les graves violations des droits humains actuellement perpétrées dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, en Chine, et ouvrir la voie à la justice et à l’obligation de rendre des comptes.

Amnesty International engage les États membres de l’ONU à faire front commun pour condamner fermement les graves violations des droits humains commises par la Chine dans le Xinjiang et à mettre sur pied un mécanisme d’enquête indépendant et international afin de garantir que les responsables aient à rendre des comptes.

« Malgré l’accumulation d’éléments attestant de graves violations et de crimes de droit international commis ces quatre dernières années, les Nations unies et les États membres ne se montrent pas à la hauteur de leur responsabilité s’agissant d’amener la Chine à rendre des comptes pour ses actes, explique Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International. La communauté internationale doit cesser de prétendre que la réalité dystopique des musulmans dans le Xinjiang va s’arranger d’elle-même. Il n’y a plus de temps à perdre. Aujourd’hui plus que jamais, les États membres de l’ONU ont le devoir de protéger les droits humains de tous dans le Xinjiang, d’enquêter sur les crimes de droit international présumés et de garantir l’obligation de rendre des comptes. »

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