14 nouvelles exécutions prévues

Le président indonésien Joko Widodo va conduire son gouvernement du mauvais côté de l’Histoire s’il procède à une nouvelle série d’exécutions, a déclaré Amnesty International le 26 juillet 2016.

Amnesty International a reçu des informations dignes de foi signalant qu’au moins 14 personnes pourraient être exécutées cette semaine ; il s’agit de quatre Indonésiens et de dix ressortissants étrangers : un Indien, un Pakistanais, un Zimbabwéen, un Sénégalais, un Sud-Africain et cinq Nigérians.

« L’arrivée au pouvoir du président Joko Widodo était censée inaugurer une nouvelle ère pour les droits humains en Indonésie. Malheureusement, c’est sous son régime qu’a été enregistré le plus grand nombre d’exécutions depuis l’avènement de la démocratie en Indonésie, alors que la plupart des pays du monde ont abandonné cette pratique cruelle » , a déclaré Josef Benedict, directeur adjoint du programme Asie du Sud-Est et Pacifique d’Amnesty International.

Amnesty International a appris que plusieurs condamnés à mort pourraient être exécutés ce week-end, un grand nombre d’entre eux ayant été condamnés pour des infractions liées aux stupéfiants. L’organisation est également préoccupée par le fait que certains des prisonniers qui risquent de passer devant un peloton d’exécution ont été déclarés coupables à l’issue de procès manifestement iniques et n’ont pas déposé de recours en grâce auprès du président.

Dans un rapport publié l’an dernier par Amnesty International, l’organisation montrait que dans 12 cas les accusés n’avaient pas été autorisés à avoir accès à un avocat au moment de leur arrestation et par la suite à plusieurs moments différents. Certains condamnés affirmaient avoir été soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements lors de leur détention aux mains de la police, et forcés à « avouer » les infractions qui leur étaient reprochées. À ce jour, les autorités n’ont toujours pas diligenté d’enquêtes à la suite de ces déclarations.

Des recours en grâce ont été déposés en faveur du condamné pakistanais et de nombreux autres condamnés quand le gouvernement indonésien a annoncé son intention de procéder à une troisième série d’exécutions.

Les autorités pakistanaises ont appelé leurs homologues indonésiens à suspendre l’exécution de Zulfiqar Ali, un ressortissant pakistanais ouvrier du textile qui a expliqué avoir été torturé en détention et qui a été condamné à mort il y a plus de 10 ans pour une infraction liée aux stupéfiants. Au cours de sa détention provisoire, il s’est vu refuser le droit de contacter son ambassade et il n’a été autorisé à avoir accès à un avocat qu’un mois environ après son arrestation.

« Comme le montre le cas de Zulfiqar Ali, des violations du droit international ont été commises à de multiples reprises dans des affaires s’étant soldées par une condamnation à mort, au moment de l’arrestation, au cours du procès et lors de la procédure d’appel. Quoi que l’on pense au sujet de la peine de mort, nul ne doit être condamné à mort sur la base d’une procédure entachée de telles irrégularités, a déclaré Josef Benedict.

« La communauté internationale devrait s’alarmer de cette nouvelle vague d’exécutions, et les autres pays devraient intervenir en faveur des personnes condamnées à mort en Indonésie. »

La décision de reprendre les exécutions est également contestée à l’intérieur du pays, notamment par des dignitaires religieux et des parlementaires.

L’Indonésie s’est à de nombreuses reprises battue pour défendre les droits de ses ressortissants condamnés à mort à l’étranger, mais les autorités du pays n’ont pas toujours la même attitude chez elles, le président Widodo estimant en effet qu’il est nécessaire de recourir à la peine de mort pour dissuader ceux qui voudraient commettre des infractions liées aux stupéfiants.

« Il n’existe aucune preuve permettant d’appuyer la position du président Widodo. La peine capitale n’a pas d’effet dissuasif. Ce n’est pas en procédant à des exécutions que l’Indonésie va se débarrasser du problème des stupéfiants. Ce n’est jamais la solution, et cette décision va ternir l’image de l’Indonésie sur la scène internationale, a déclaré Josef Benedict.

« Si le président Widodo veut réellement positionner l’Indonésie sur l’échiquier international en tant que pays de premier plan au niveau de la région, il ne peut pas faire l’économie de ses obligations en matière de droits humains. La première étape doit consister pour lui à mettre en place un moratoire sur les exécutions dans l’objectif de supprimer une fois pour toutes en Indonésie ce châtiment injuste. »

Complément d’information

Les dernières exécutions qui ont eu lieu en Indonésie remontent à janvier et avril 2015 : six et huit personnes respectivement avaient alors été mises à mort par un peloton d’exécution. Sous l’ancien président Susilo Bambang Yudhoyono, le pays a procédé à 21 exécutions entre 2005 et 2013.

Au moins trois personnes condamnées à mort ont été transférées sur l’île prison indonésienne de Nusakambangan au cours des dernières semaines, et c’est là que 13 des 14 exécutions recensées en 2015 ont eu lieu. Les condamnés à mort ont été déclarés coupables d’infractions à la législation sur les stupéfiants, et certains d’entre eux n’ont pas bénéficié d’un procès équitable.

Dans certaines des affaires examinées par Amnesty International, des prisonniers ont affirmé que des policiers les avaient torturés, notamment afin de leur arracher des « aveux ». Un grand nombre de condamnés n’ont pas eu accès à un avocat au moment de leur arrestation et à d’autres stades de la procédure.

En 2015, dans un rapport intitulé Une justice déficiente : procès iniques et recours à la peine de mort en Indonésie, Amnesty International a mis en lumière les cas de 12 condamnés à mort illustrant les failles manifestes de l’administration de la justice en Indonésie, qui aboutissent à des violations flagrantes des droits humains.

Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation du condamné, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution.

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