Le troisième mandat du président Nkurunziza a été caractérisé par une répression sans précédent et un démantèlement total d’un système judiciaire indépendant au Burundi. Les victimes sont privées de justice. Le vibrant mouvement de la société civile que le pays a connu dans le début des années 2000 travaille maintenant en clandestinité et ne peut s’organiser librement dans le pays. D’éminents défenseurs des droits humains ont été agressés physiquement et la plupart d’entre eux ont fui le pays. Les médias et les journalistes sont muselés.
Avec Amnesty, aidez-nous à agir en faveur des défenseurs burundais : une pétition et des actions réseaux sociaux sont disponibles ci-dessous

Jean Bigirimana

Avant qu’il disparaisse, le 22 juillet 2016, Jean Bigirimana travaillait pour Iwacu, un hebdomadaire indépendant. D’après ses collègues, au moment de sa disparition, il était en déplacement à Bugarama dans la province de Muramvya, pour son travail.

Selon Iwacu, il est parti de chez lui après avoir reçu un appel téléphonique du Service national de renseignement (SNR). Ses proches ont rapporté qu’il avait été arrêté par des membres du Service national de renseignement.
Trois jours après la disparition de Jean, le porte-parole de la police, Pierre Nkurikiye, a rejeté le fait qu’il ait été arrêté par les forces de sécurité. Une semaine plus tard, le conseiller en communication du président, Willy Nyamitwe, twittait que le gouvernement avait ouvert une enquête à ce sujet et se déclarait très préoccupé.

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La Commission nationale indépendante des droits de l’Homme a enquêté sur la disparition de Jean mais n’a pas été en mesure d’en tirer des conclusions crédibles. Dans un communiqué de presse, la Commission a déclaré qu’elle n’avait trouvé aucune trace de Jean Bigirimana après avoir visité tous les centres de détention de la province de Muramvya.
Amnesty International craint que Jean Bigirimana ait été victime d’une disparition forcée. Nous nous inquiétons aussi du fait que les autorités burundaises sont généralement incapables d’enquêter efficacement sur les cas de disparition forcée.
À ce jour, on ne sait toujours pas où se trouve Jean. Ses collègues du journal Iwacu et sa famille craignent le pire en ce qui le concerne.

Zedi Feruzi

Alors qu’il rentrait chez lui à pied vers 19 H 30 le 23 mai 2015, Zedi Feruzi, président du parti de l’opposition, l’Union pour la paix et la démocratie-Zigamibanga, et l’un de ses gardes du corps de l’Appui pour la protection des institutions (API) ont été abattus dans le quartier de Ngagara, à Bujumbura.

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Jean Baptiste Bireha, un journaliste grièvement blessé lors de l’attaque, a déclaré dans une interview à France Inter que les assaillants portaient des uniformes de l’API. Deux autres témoins oculaires ont confirmé à Amnesty International qu’ils avaient reconnu les officiers de police comme étant des membres de l’unité de l’API. Un des témoins oculaires a reconnu l’un des policiers. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki moon, et le Conseil de sécurité des Nations unies ont tous deux condamné ces homicides. Après la mort de Zedi Feruzi, d’autres membres de l’opposition se sont cachés. Ils ont suspendu les pourparlers avec le gouvernement burundais en guise de protestation contre l’homicide de Feruzi

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Incapacité de l’État à rendre justice

Le 23 mai 2015, un communiqué publié sur le site Internet du président Nkurunziza demandait aux autorités compétentes d’enquêter le plus rapidement possible. Le 27 mai, un communiqué du ministère de la Sécurité publique indiquait que des enquêtes étaient en cours. Le 11 juillet, Willy Nyamitwe a déclaré à Amnesty International que « ceux qui avaient tué Feruzi portaient des uniformes de police », tout en ajoutant : « Il arrive souvent que des gens portent des uniformes et commettent des crimes, mais dans la plupart des cas, ce ne sont pas des policiers mais des criminels ». À l’heure actuelle, personne n’a été arrêté pour l’homicide de Zedi Feruzi.

Welly Fleury Nzitonda

Le 6 novembre 2015, des officiers de police ont tué Welly Fleury Nzitonda. C’était le fils de Pierre Claver Mbonimpa, militant des droits humains au Burundi, qui a survécu à une tentative d’assassinat la même année.

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D’après de nombreux rapports, Welly Fleury Nzitonda marchait dans la rue avec un ami quand il a rencontré des officiers de police qui patrouillaient. Les policiers leur ont immédiatement demandé leurs pièces d’identité. Quand les policiers se sont rendu compte que Welly était le fils de Pierre Claver Mbomimpa, ils ont tout de suite demandé à son ami de partir. Welly Nzitonda a été arrêté sur le champ. Son corps a été retrouvé des heures plus tard, abandonné dans la rue. Pierre Claver Mbonimpa, qui avait déjà fui le pays, n’a pas pu assister aux funérailles de son fils. Au lieu de cela, il a envoyé un message aux Burundais leur encourageant de continuer d’espérer que la crise au Burundi se termine un jour.

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Incapacité de l’État à rendre justice

Interrogé au sujet du meurtre de Welly Fleury, le porte-parole de la police burundaise a seulement déclaré que quatre criminels avaient été tués lors d’une patrouille de police dans le quartier de Mutakura, à Bujumbura (le corps de Welly a été retrouvé dans ce même quartier). Cependant, il n’a pas confirmé que Welly Fleury était l’un d’entre eux. À ce jour, les autorités n’ont mené aucune enquête sur cet homicide.

Pierre Claver Mbonimpa

Le 3 août 2015, Pierre Claver Mbonimpa a survécu de peu à une tentative d’assassinat à Bujumbura. Alors qu’il rentrait chez lui de son travail en voiture, on lui a tiré dessus. C’était l’un des plus virulents opposants au troisième mandat que briguait le président Pierre Nkurunziza en 2015. L’attaque dont il a été victime a eu lieu le lendemain du meurtre du général Adolphe Nshimirimana, ancien chef du Service national des renseignements. Dans un état critique après avoir reçu une balle dans le cou, Pierre Claver a été autorisé à se faire soigner à l’étranger.

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Pierre Claver Mbonimpa, est le plus connu des défenseurs des droits humains au Burundi. Entre 1994 et 1996, il a été incarcéré à tort au Burundi pour détention d’armes. Son expérience carcérale, qui comprend notamment des actes de torture et des passages à tabac, l’a ensuite motivé à fonder l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH) pour défendre les droits des prisonniers.

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Son travail dans le domaine des droits humains a fait de lui une cible pour le gouvernement et ses sympathisants. En mai 2014, il a été arrêté et inculpé pour menace à la sécurité de l’État et utilisation de faux papiers après qu’il a dénoncé la politique gouvernementale de recrutement et d’entraînement de jeunes proches du parti au pouvoir, appelés les Imbonerakure, souvent accusés d’atteintes aux droits humains. Il a été libéré pour raisons de santé en septembre 2014 mais on lui a imposé une interdiction de voyager.

À la suite de la tentative d’assassinat d’août 2015, plusieurs membres de la famille de Pierre Claver Mbonimpa ont reçu des menaces et ont été placés sous surveillance. En octobre 2015, son gendre, Pascal Nshimirimana, a été abattu par les forces de sécurité devant chez lui. Un mois plus tard, son fils Welly Fleury Nzitonda a aussi été tué par les forces de sécurité. On estime que leurs assassinats étaient liés au rôle de Pierre-Claver Mbonimpa et au travail sur les droits humains de l’APRODH.

Incapacité de l’État à rendre justice

Le 3 août 2015, le conseiller en communication du président, Willy Nyamitwe, a déclaré à Radio France International que la police enquêtait sur la tentative d’assassinat et assurait la protection de la famille de Pierre-Claver. À ce jour, aucun résultat d’enquête n’a été publié sur ce cas et personne n’a été jugé responsable ni de ce crime ni des homicides des membres de sa famille.

Marie-Claudette Kwizera

Marie Claudette Kwizera, militante des droits humains du Burundi et trésorière de la Ligue Iteka, une organisation burundaise de protection des droits humains, a disparu depuis le 10 décembre 2015. Madame Kwizera a été enlevée par des individus soupçonnés d’être des membres du Service national de renseignement (SNR) près de la Polyclinique centrale de Bujumbura.

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Le 12 décembre 2015, deux jours après l’enlèvement de Madamee Kwizera, un agent du SNR a informé sa famille qu’elle était détenue dans les locaux du Service national de renseignement et demandait une rançon de 3,5 millions de francs burundais (environ 2 000 euros). Même après avoir payé la rançon, la famille de Madame Kwizera est restée sans nouvelles de la victime. Sa famille a par la suite déposé une plainte au sujet de cet enlèvement et l’agent a été arrêté, puis libéré, selon la Ligue Iteka. Le 13 janvier 2016, un des membres de la famille de Madame Kwizera s’est rendu au bureau du SNR pour seulement apprendre qu’elle n’était pas dans les locaux.

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Incapacité de l’État à rendre justice

Les autorités burundaises continuent de démentir savoir où elle se trouve. Willy Nyamitwe, le conseiller en communication du président de l’époque a rejeté toute accusation d’enlèvement de Madame Kwizera par des agents du SNR dans un Tweet. Il a déclaré qu’une enquête sur sa disparition était en cours et que justice serait faite.
À ce jour, on ne sait toujours pas où elle se trouve. De nombreuses personnes craignent qu’elle ait été victime d’homicide.

Esdras Ndikumana

Esdras Ndikumana est un célèbre journaliste burundais, correspondant de Radio France Internationale (RFI) et de l’Agence France Presse (AFP). Il a été arrêté par des agents du Service national de renseignement (SNR) le 2 août 2015 alors qu’il prenait des photos sur les lieux de l’attaque armée qui a causé la mort du général Adolphe Nshimirimana. Il a été torturé durant sa détention.

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Esdras Ndikumana se préparait pour aller à la messe le matin du dimanche 2 août 2015 quand il a appris l’assassinat du général Adolphe Nshimirimana, un ancien chef du SNR. Il a alors décidé de se rendre sur les lieux du crime avant d’aller à l’église. À son arrivée sur place, en raison de la présence massive de militaires, il a pris les précautions nécessaires et le temps d’observer l’endroit afin d’évaluer s’il pouvait faire son travail en toute sécurité. Il a reconnu deux représentants du gouvernement et des membres des forces de sécurité sur les lieux et leur a demandé l’autorisation de prendre des photos. Puis il a vu trois hommes qui se parlaient. Ces trois officiers ont appelé un officier subalterne et ont montré Esdras du doigt. L’officier s’est ensuite emparé d’Esdras et l’a brutalement embarqué dans un pick-up. Une fois dans le pick-up, Esdras a reçu plusieurs coups de poing sous les yeux des responsables burundais. Esdras a ensuite été placé en détention au siège du SNR à Bujumbura où il a été torturé pendant environ deux heures.
Craignant pour sa vie et la sécurité de sa famille, Esdras a fui le pays pour se réfugier au Kenya. Il a passé trois mois à Nairobi où il a reçu des soins médicaux et suivi des séances de physiothérapie. Grâce à ses contacts et à l’aide des maisons de presse où il a travaillé, il a pu continuer de faire des reportages sur le Burundi depuis Nairobi. En août 2016, il s’est installé en France et y a fait une demande d’asile politique.

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Incapacité de l’État à rendre justice

Le 13 août 2015, le bureau du président Nkurunziza s’est publiquement engagé à ouvrir une enquête sur les allégations d’Esdras, qui affirme avoir été torturé pendant sa détention, et à poursuivre et sanctionner les auteurs de ces actes, conformément à la loi.
Cet engagement n’ayant pas été suivi d’effet malgré les promesses du président, Esdras et ses employeurs ont décidé de porter plainte contre inconnu officiellement le 19 octobre 2015. Plusieurs mois se sont écoulés sans qu’aucune action n’ait été entreprise par le bureau du procureur. Le procureur chargé de l’affaire a demandé à Esdras de lui fournir le nom des personnes qui l’avaient frappé afin qu’il puisse ouvrir l’enquête. Cependant, le procureur n’a pas besoin de noms pour ouvrir une enquête dans le cadre d’une plainte de cette nature. Le procureur n’a pas donné suite à l’enquête dans les délais prévus.

En mai 2016, le gouvernement du Burundi a accusé Esdras Ndikumana de s’être montré partial dans sa description des faits, de servir des intérêts étrangers et de promouvoir le crime et la violence au Burundi. Ces accusations ont été prononcées par le ministre de la Sécurité publique du Burundi.

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