Réaction d’Amnesty International au rapport sur la visite en Guinée équatoriale du rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

DÉCLARATION PUBLIQUE

24 février 2010

Déclaration écrite au Conseil des droits de l’homme des Nations unies à l’occasion de sa 13e session (1er-26 mars 2010)

Amnesty International se réjouit de la publication du rapport sur la visite effectuée en novembre 2008 en Guinée équatoriale par le rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (A/HCR/13/39/Add. 4).

Cette visite illustre la volonté du gouvernement d’autoriser le contrôle de ses centres de détention et d’obtenir des conseils en vue de renforcer le cadre juridique, politique et administratif dans lequel s’inscrivent ces structures. Tout en se félicitant de cette évolution positive, Amnesty International regrette que le rapporteur spécial n’ait pas été autorisé à visiter les centres de détention de l’armée et n’ait pas pu effectuer de visites de contrôle à Malabo et Bata afin de s’assurer, entre autres, qu’aucune mesure de représailles n’avait été prise contre les personnes qui s’étaient entretenues avec lui. Tous les États sont tenus de coopérer avec les titulaires de mandats au titre des procédures spéciales à chaque étape de leurs missions, notamment en respectant pleinement les attributions – définies en 1998 – des missions d’établissement des faits des procédures spéciales.

Le rapporteur spécial a conclu que la torture était pratiquée de manière systématique en Guinée équatoriale et a fait plusieurs recommandations, qui n’ont pas encore été appliquées par les autorités. Certaines de ces recommandations se fondent sur celles qui avaient été élaborées à la suite d’une visite du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire en 2007, et qui n’avaient pas non plus été mises en œuvre. Amnesty International note que, lors du récent examen périodique universel de la situation en Guinée équatoriale, le gouvernement a fait part de sa volonté de prendre en considération les recommandations de l’EPR relatives à l’application de celles du rapporteur spécial ainsi qu’à la question de la torture et des mauvais traitements en général.
Au cours des deux dernières années, Amnesty International a recensé moins de cas de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des prisonniers politiques en Guinée équatoriale. Cette évolution fait suite à la promulgation de la Loi n° 6/2006 relative à la prévention et à la sanction de la torture, qui reflète certaines dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à laquelle cet État est partie.

Néanmoins, Amnesty International continue à recevoir des témoignages faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés dans des postes de police, en particulier à Bata. Les personnes reconnues coupables d’infractions de droit commun seraient régulièrement battues à des fins punitives dans les prisons de Black Beach et de Bata. Les prisonniers politiques sont soumis à des actes de torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ils sont notamment détenus au secret pendant de longues périodes, menottés ou enchaînés – parfois les deux – et privés de nourriture ou de soins médicaux. Amnesty International a recueilli des informations détaillées au sujet des actes de torture dont ont été victimes des personnes arrêtées à la suite d’une attaque présumée contre le palais présidentiel à Malabo en février 2009. Parmi ces personnes figuraient sept Nigérians et aux moins deux Équato-Guinéens appartenant à un groupe de 10 membres du parti politique Union populaire.

Les actes de torture et autres mauvais traitements ont principalement lieu au moment de l’arrestation et pendant la période de détention provisoire. Ils ont une visée punitive et servent aussi à obtenir des « aveux » qui seront utilisés au tribunal, ce qui est contraire aux engagements internationaux relatifs aux droits humains. Ils sont infligés aussi bien à des prisonniers politiques qu’à des personnes soupçonnées d’infractions de droit commun.

Les pratiques les plus courantes sont les coups portés sur différentes parties du corps, généralement sur la plante des pieds et les fesses, avec des matraques, des câbles plastifiés et des bâtons, ainsi que les décharges électriques administrées au moyen de chargeurs de batteries ou de batteries de voiture. Les détenus ont souvent les pieds et les poings liés ; ils sont ensuite suspendus au plafond et passés à tabac. Parfois, une charge lourde est placée sur leur dos. Ils bénéficient rarement des soins médicaux nécessaires pour traiter les blessures causées par les actes de torture ou les autres mauvais traitements.

Les visites des proches et des avocats ont été suspendues de décembre 2007 à décembre 2009. De fait, tous les prisonniers ont été détenus au secret pendant deux ans. Amnesty International se réjouit de la reprise des visites car les contacts avec leurs familles sont essentiels au bien-être des prisonniers.

Depuis 1998, l’organisation a recensé plusieurs décès en détention survenus à la suite d’actes de torture. D’autres prisonniers, qui présentaient des pathologies chroniques ou des maladies contractées en détention, sont morts par manque de soins médicaux. Aucun de ces cas n’a fait l’objet d’une enquête et les responsables présumés n’ont pas été traduits en justice.

En réalité, et comme l’a conclu le rapporteur spécial sur la torture, l’impunité prévaut en Guinée équatoriale. À la connaissance d’Amnesty International, seul un policier a été jugé et condamné à sept mois d’emprisonnement début 2008 à la suite du décès d’un homme qui avait été torturé. Cependant, d’autres policiers – certains hauts gradés – dont on sait qu’ils ont régulièrement torturé des détenus sont toujours en fonction dans des postes de police.

Les enfants qui n’ont pas atteint l’âge de la responsabilité pénale, fixé à 16 ans en Guinée équatoriale, sont encore incarcérés dans les mêmes structures que les adultes, ce qui constitue une violation de la Convention relative aux droits de l’enfant. Ainsi, plusieurs enfants âgés de 10 à 16 ans ont été arrêtés fin janvier 2009 et détenus plus ou moins longtemps à la prison de Black Beach, à Malabo, une prison destinée aux adultes déjà condamnés.

Amnesty International exhorte le gouvernement équato-guinéen :
à mettre en œuvre dans les meilleurs délais les recommandations figurant dans le rapport du rapporteur spécial sur la torture et à informer le Conseil des droits de l’homme des mesures prises ;
à veiller à ce que les personnes qui ont rencontré le rapporteur spécial lors de sa visite, leurs proches ou leurs représentants ne subissent pas de représailles et à poursuivre, conformément aux normes internationales, tous les responsables présumés des actes de représailles qui ont déjà eu lieu.

L’organisation encourage également le gouvernement :

à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et à effectuer la déclaration nécessaire, prévue par l’article 22, afin de permettre aux personnes qui le souhaitent de porter plainte auprès du Comité contre la torture ;

à lever la réserve formulée conformément à l’article 28 de la Convention et

à reconnaître la compétence du Comité pour enquêter sur les allégations d’actes de torture systématiques.

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