Guinée-Bissau. Il faut que cessent l’intimidation et le harcèlement des journalistes et des défenseurs des droits humains

Déclaration publique

AFR 30/003/2007

Amnesty International est vivement préoccupée par les informations faisant état de manœuvres d’intimidation et de harcèlement dont font l’objet des journalistes et défenseurs des droits humains pour avoir traité du trafic de stupéfiants dans l’État ouest-africain de la Guinée-Bissau. L’organisation a été informée de ce que quatre journalistes et le défenseur des droits humains de renom Mario Sa Gomez avaient dû se réfugier dans la clandestinité par crainte d’être arrêtés et sans doute torturés. Mario Sa Gomes craint également d’être tué.

Des informations sur le trafic de stupéfiants en Guinée-Bissau ont récemment attirée l’attention internationale. À la suite de la publication du rapport des Nations unies sur les stupéfiants dans le monde en 2007 désignant la Guinée Bissau comme un lieu important de trafic et de transit, quatre journalistes – Allen Yéro Embalo, Alberto Dabo, Eva Maria Auzenda Biague et Fernando Jorge Perreira – ont rendu publics plusieurs articles sur le trafic de stupéfiants impliquant des hauts responsables civils et militaires. Selon les informations reçues par Amnesty International, à la suite de ces articles des responsables militaires ont pris la parole sur la radio nationale pour demander à Allen Yéro Embalo et Alberto Dabo de renier publiquement sur les ondes nationales les informations qu’ils avaient publiées. Cette demande n’ayant pas été suivie d’effet, les quatre journalistes ont été sommés, par le biais d’une annonce émanant semble-t-il de nouveau de l’armée, de se présenter au poste de police le plus proche. Les quatre hommes se sont réfugiés dans la clandestinité peu après cette annonce, craignant d’être arrêtés et peut-être torturés.

En juillet 2007, Mario Sa Gomes, défenseur des droits humains en Guinée-Bissau, avait déclaré publiquement sur les ondes nationales que le meilleur moyen de s’attaquer au trafic de stupéfiants dans le pays était de renvoyer sur le champ tous les hauts fonctionnaires civils et militaires impliqués dans ce commerce. Le commandant en chef des armées aurait demandé des excuses publiques à Mario Sa Gomes, qui aurait refusé. Un mandat d’arrêt aurait alors été émis à l’encontre du défenseur des droits humains, qui s’est réfugié dans la clandestinité par crainte pour sa vie.

Amnesty International est préoccupée par les manœuvres de harcèlement et d’intimidation à l’encontre de ces journalistes et de ce défenseur des droits humains, qui s’apparentent à une violation de leur droit à la liberté d’expression et du droit de tous à recevoir des informations. Ces droits sont inscrits dans la Constitution de la Guinée-Bissau, dans la loi de ce pays sur la liberté de la presse et dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte africaine), à laquelle la Guinée Bissau est un État partie ; ils sont également garantis par d’autres normes et traités internationaux relatifs aux droits humains tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Déclaration universelle des droits de l’homme.

L’organisation appelle les autorités à respecter les instruments internationaux de défense des droits fondamentaux auxquels la Guinée-Bissau est partie, ainsi que les normes internationales telles que la Déclaration de principes sur la liberté d’expression en Afrique qui, bien qu’elle ne soit pas contraignante juridiquement, contient des principes que tous les États membres de la Charte africaine devraient respecter dans leurs pratiques. Le gouvernement de la Guinée-Bissau devrait veiller à ce que, conformément à cette déclaration, nul ne fasse l’objet de sanction pour avoir livré en toute bonne foi des informations sur des comportements illégaux. En outre, le gouvernement devrait faire le nécessaire pour que cessent les actes d’intimidation et les menaces à l’encontre de membres des médias ou de défenseurs des droits humains, de telles attaques nuisant au journalisme indépendant, à la liberté d’expression et à la transmission libre d’informations à la population. La Déclaration reconnaît que le droit à la liberté d’expression n’est pas absolu. Elle précise cependant que toute restriction à la liberté d’expression doit être imposée par la loi, servir un objectif légitime et être nécessaire dans une société démocratique. Pour autant qu’Amnesty International sache, il n’existe pas dans la législation de la Guinée-Bissau de restriction à la diffusion d’informations sur le trafic de stupéfiants.

L’organisation est également préoccupée par le fait que les journalistes craignent d’être torturés s’ils sont arrêtés et que Mario Sa Gomes craint, quant à lui, pour sa vie. Amnesty International appelle le gouvernement de la Guinée-Bissau à agir conformément à ses obligations nationales et internationales en matière de droits humains, en respectant et protégeant le droit à la liberté et à l’intégrité physique et le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des mauvais traitements, droits inscrits dans la Constitution du pays, dans la Charte africaine et le PIDCP, ainsi que dans d’autres traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels la Guinée-Bissau est un État partie.

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