Les détentions liées à l’imigration : une préoccupation mondiale

Tout individu a droit à la liberté et peut circuler librement. Ces droits peuvent faire l’objet de limitations, mais la pratique du placement en détention pour raisons liées à la migration, que l’on observe dans de nombreux États du monde entier, est souvent incompatible avec les normes internationales en matière de droits humains. Cette pratique entraîne de fréquentes violations des droits des détenus ; elle est éprouvante et nocive pour ceux qui la subissent.

Un conteneur utilisé pour arrêter les « migrants irréguliers », sur l’île grecque de Chios, a été retiré en octobre 2005, à la suite d’une campagne menée par Amnesty International aux niveaux national et international © Refugee Solidarity Committee






« Je suis un être humain. J’ai vécu des moments très difficiles. J’essaie d’être heureux. J’ai essayé plusieurs fois de me tuer au cours de ma détention. Je ne suis pas dangereux. » George, demandeur d’asile débouté qui a passé deux années en détention au Royaume-Uni (Janvier 2005)
« Cette situation était extrêmement stressante pour moi, et mes enfants pleuraient tous les jours. Nos enfants étaient traités comme des prisonniers. Quelle sorte d’être humain peut garder un enfant enfermé toute la journée ? » Cette femme a passé cinq mois en détention avec sa famille, dans le cadre d’une audience de la Commission indépendante pour les demandes d’asile du Royaume-Uni (mars 2007). Les conclusions de cette audience ont été publiées en 2008.

Bien souvent, les migrants, demandeurs d’asile et réfugiés sont privés de leur liberté pour de simples raisons de commodité administrative. De nombreux pays utilisent la détention pour dissuader les étrangers de migrer ou de demander l’asile. Pour respecter les normes internationales en matière de droits humains, le recours à la détention, dans le contexte des migrations, doit être exceptionnel, proportionnel à l’objectif attendu et limité à la durée la plus brève possible. Il ne faut recourir au placement en détention que lorsqu’une évaluation a montré son caractère légal et nécessaire dans chaque cas individuel. Il convient de procéder à un examen détaillé de la situation de la personne concernée, en tenant compte de son histoire et du risque éventuel de la voir prendre la fuite. Cet examen doit être effectué sous contrôle judiciaire. Il ne faut pas que des catégories entières de demandeurs d’asile ou de migrants soient placées en détention systématiquement ; la détention doit être un ultime recours, et non une réaction immédiate. Cependant, certains pays placent en détention automatiquement, parfois pendant une longue période ou pour une durée indéterminée, toute personne qui entre sur leur territoire sans être pourvue des papiers nécessaires. Il peut s’agir de personnes qui ont fui leur pays pour échapper à la torture. Dans certains pays, on interne même les enfants, dans des conditions parfois très dures. Amnesty International demande aux États de mettre fin à l’incarcération systématique des demandeurs d’asile et des migrants, d’établir une présomption juridique à l’encontre de la détention et de mettre en place des solutions de remplacement permettant d’éviter la détention.

Définition des termes
Les réfugiés sont en quête d’une protection face à des persécutions ou à des conflits qui les menacent dans leur pays ; tant que leur besoin de protection n’a pas été reconnu par les autorités, ils sont appelés demandeurs d’asile.
Les migrants quittent un endroit pour aller vivre et travailler ailleurs, de manière temporaire ou durable. Ils ne se confondent pas avec les demandeurs d’asile et les réfugiés, mais ils sont parfois, eux aussi, forcés de quitter leur pays d’origine. Il arrive par exemple que leur extrême pauvreté ou la dégradation de l’environnement ne leur aient pas laissé d’autre choix que de quitter leur pays.

Aperçu des pratiques en matière de détention

Le gouvernement australien a annoncé en juillet 2008 une importante évolution de sa politique de détention liée à l’immigration, une nette présomption à l’encontre de la détention y figurant désormais. La détention obligatoire continuera à être pratiquée envers les arrivants sans papiers, mais les autorités effectueront des évaluations individuelles dans chaque cas. S’il en résulte que la personne ne présente aucun danger, elle sera libérée. Au cours des seize ans qui viennent de s’écouler, le gouvernement australien a imposé à tous ceux qui entraient sur son territoire sans autorisation, y compris les demandeurs d’asile et, jusqu’en 2005, les enfants, un placement en détention général, automatique et prolongé. Le gouvernement pratique la détention en dehors de son territoire ; les étrangers appréhendés dans les eaux territoriales australiennes sont toujours internés sur l’île Christmas.
Des recherches menées en 2005 par Amnesty International au Royaume-Uni montraient que les personnes ayant demandé l’asile subissaient une détention prolongée qui causait des souffrances passées sous silence. Cette pratique n’était pas nécessaire et, dans bien des cas, ne permettait pas aux autorités de réaliser leur objectif affirmé d’éloignement de ces personnes ; elle était donc illégale. Les autorités du Royaume-Uni ont affirmé qu’elles recouraient avec parcimonie à la détention, et pour la durée la plus brève possible.
L’immigration n’est soumise dans ce pays à aucune limitation dans le temps. De nombreuses personnes ayant demandé asile ont été détenues pendant de longues périodes.
Il n’existe pas de contrôle judiciaire systématique des mises en détention des demandeurs d’asile au Royaume-Uni, et beaucoup de détenus ont des difficultés à trouver un représentant légal qui pourrait obtenir leur libération sous caution. Parmi les détenus, on trouve des femmes enceintes, des enfants dont l’âge est inconnu, ainsi que des familles. Le 18 juin 2008, le Parlement européen a approuvé une directive de l’Union européenne (UE) sur les normes et procédures communes concernant le renvoi de citoyens non européens sans papiers. Le but de cette directive serait de freiner les flux migratoires à destination de l’Europe. Ce texte entrera en vigueur après son adoption par le Conseil de l’UE. Il autorise une détention allant jusqu’à dix-huit mois avant le renvoi de la personne concernée. Cette disposition peut s’appliquer à des demandeurs d’asile dont la requête n’a pas été examinée avec le soin nécessaire. Amnesty International considère que cette période de dix-huit mois est excessive et disproportionnée, et donc qu’elle ne saurait constituer une norme acceptable pour l’UE.
Cette directive pourrait entraîner une augmentation des détentions prolongées dans les États membres de l’UE, et notamment en Irlande et en Espagne, dont les durées limites de détention sont actuellement bien inférieures. Après l’approbation de cette directive, le gouvernement néerlandais a annoncé qu’il appliquerait une limite de dix-huit mois pour la détention, et l’Italie a proposé de faire passer sa période de détention maximale de soixante jours à dix-huit mois. Avant cela, seuls deux États, Malte et l’Allemagne, observaient une limite de dix-huit mois. En Lettonie, la durée maximale de détention reste fixée à vingt mois.
La directive prévoit que les détentions soient soumises à un examen judiciaire afin d’en contrôler la légalité, mais les membres de l’UE peuvent choisir d’appliquer cette disposition automatiquement ou non. Le texte prévoit également que cet examen doit être effectué rapidement. Selon le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), toute personne privée de liberté a le droit à un recours juridique effectif, et notamment à la possibilité de faire examiner rapidement la légalité de sa détention par un tribunal. Aux Pays-Bas, la durée de la détention est variable et inférieure à trois mois la plupart du temps. Toutefois, sur les 20 000 personnes détenues entre 2004 et 2007, environ 11 % l’auraient été pour une période comprise entre six et neuf mois, et 10 % ont passé plus de neuf mois en détention lorsqu’elles étaient considérées comme des « étrangers indésirables » ou que leur identité ou nationalité était sujette à caution.

La demande d’asile de Peter, un ressortissant libérien âgé de quarante ans, a été rejetée aux Pays-Bas. Les autorités l’ont renvoyé de force au Libéria par deux fois. À chaque fois, les autorités libériennes ont refusé son entrée sur le territoire, en affirmant que ses papiers, fournis par l’ambassade du pays, étaient des faux. Après la première expulsion, Peter a été renvoyé directement aux Pays-Bas. Après la deuxième, il a été détenu par les autorités locales libériennes et a passé un mois en détention avant d’être renvoyé aux Pays- Bas. La détention de Peter dans les deux pays a duré treize mois, jusqu’à ce que le gouvernement néerlandais le relâche. Peter est désormais sans ressources.

L’utilisation de la détention prolongée pour arrêter les flux migratoires illégaux vers l’Europe n’est pas une exclusivité de l’UE ou de ses États membres. Les gouvernements intensifient leur coopération afin de stopper l’immigration. Pour ce faire, ils partagent des informations et prennent des mesures punitives contre les migrants. Depuis 2006, des milliers de migrants se trouvant en Mauritanie et soupçonnés de vouloir ou d’avoir cherché à entrer dans des pays européens ont été arrêtés arbitrairement, alors qu’il n’existait aucune preuve de leurs intentions, et que quitter la Mauritanie sans respect des procédures ne constituait pas une infraction. Certaines personnes détenues sont maltraitées et expulsées collectivement de Mauritanie, parfois vers d’autres pays que ceux dont elles sont originaires, sans aucune possibilité de recours. Ces mesures semblent résulter de pressions émanant de l’UE, et notamment de l’Espagne, sur la Mauritanie, afin de contrôler les flux migratoires vers l’Europe.

Un grand nombre de détenus sont incarcérés dans un centre de détention situé à Nouadhibou, dans le nord de la Mauritanie. Ce centre a été surnommé Guantánamito par la population locale. Situé dans une ancienne école, il reçoit jusqu’à 300 personnes chaque mois mais n’est soumis à aucun contrôle judiciaire. Le centre est surpeuplé et certains migrants qui y sont détenus disent avoir été arrêtés à leur domicile, en pleine nuit. «  J’ai été arrêté [...] dans ma chambre. Je ne sais pas pourquoi [...] J’ai un travail, j’ai mon rickshaw, je ne suis pas en situation illégale. Cela fait deux ans que je vis ici et tous mes papiers sont en ordre. Je n’ai pas l’intention d’aller en Europe, a déclaré à Amnesty International un Malien âgé de quarante et un ans, détenu au centre. Qu’arrivera-t-il à ma famille si l’on me renvoie au Mali ? »

Les recherches d’Amnesty International montrent que les personnes qui attendent d’être expulsées n’ont pas la possibilité de contester la légalité de leur détention ou de leur expulsion collective. La Mauritanie a signé la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui garantit aux détenus le droit de contester la légalité de leur détention devant un tribunal (article 16).

Détention des étrangers et des demandeurs d’asile

Selon l’article 31-1 de la Convention relative au statut des réfugiés (1951), «  Les États contractants n’appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée [...], entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation. » Les personnes fuyant des atteintes aux droits humains n’ont souvent pas la possibilité d’obtenir ou d’utiliser leur passeport, et sont fréquemment arrêtées parce qu’elles ne disposent pas de papiers en règle. Toutefois, la détention ne doit jamais être utilisée pour porter atteinte au droit de demander asile à l’étranger et de l’obtenir. Une demande d’asile n’est pas un crime. Toutefois, certains pays arrêtent fréquemment les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière, parfois sur la base de leur nationalité.

Un projet de loi proposé est actuellement examiné par le Parlement israélien. S’il était adopté, ce texte érigerait en crime l’entrée sur le territoire d’Israël par des points non autorisés ou avec des documents falsifiés. Les personnes concernées risqueraient cinq années d’emprisonnement, quelle que soit la raison pour laquelle elles sont entrées sur le territoire, et même si elles subissent des atteintes aux droits humains dans leur pays. Certains ressortissants (Soudanais et Irakiens, notamment) pourraient même être emprisonnés pour sept ans. Outre les graves violations des droits humains pouvant survenir pendant ces périodes de détention prolongée, la pénalisation spécifique de certaines nationalités constituerait une violation des obligations d’Israël en matière de nondiscrimination.

Ces obligations sont inscrites dans plusieurs traités internationaux relatifs aux droits humains, notamment le PIDCP et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Les demandeurs d’asile sans papiers qui entrent aux États-Unis à partir de certains pays, comme Haïti, sont soumis à une détention automatique, du fait qu’ils pourraient constituer une menace pour la sécurité nationale. Ils peuvent être détenus pendant toute la durée de la procédure d’asile. Les ressortissants d’autres pays qui demandent asile depuis la frontière sont également arrêtés automatiquement, mais peuvent être libérés en fonction de certains critères. La procédure peut durer plusieurs semaines ou plusieurs mois. Après cela, ces personnes comparaissent devant un tribunal chargé des affaires d’immigration pour être entendues.

Daniel Joseph est arrivé aux États-Unis depuis Haïti à l’âge de dix-sept ans. Il a fui Haïti sur une embarcation de fortune avec son frère en octobre 2002, et est arrivé à Miami quatre jours plus tard. Il a été placé au centre de détention pour mineurs de Boystown à Miami, où il a été retenu pendant vingt-cinq mois, alors qu’il avait de la famille à New York. En 2003, Daniel Joseph avait raconté à Amnesty International sa vie au centre de détention : « Chaque fois que je me fais un ami, il s’en va. Mon meilleur ami est parti aujourd’hui. Demain, mon dernier ami en date [partira]. Les enfants me demandent pourquoi je reste si longtemps. Je ne peux pas leur répondre parce que je ne sais pas [...] Si je ne peux pas vivre avec ma famille ou avec mon oncle, est-ce que je peux aller dans un foyer ? »

Le ministre de la Justice s’est penché sur une demande de libération sous caution émise au nom du frère de Daniel, David Joseph. Il a déclaré que les demandeurs d’asile haïtiens devaient être arrêtés sans possibilité de libération sous caution, car ils constituaient une menace pour la sécurité nationale. Le ministre de la Justice a ajouté que libérer ces personnes pourrait inciter d’autres Haïtiens à s’embarquer pour les États- Unis, et que de telles « poussées » migratoires menaçaient la sécurité nationale, en détournant des ressources (celles des gardes-côtes, du ministère de la Défense, entre autres) normalement dédiées à la lutte contre le terrorisme et à d’autres activités touchant à la sécurité nationale.

Saddik Sahour Abkar
Saddik Sahour Abkar, originaire du Darfour (Soudan), a purgé une peine d’un an d’emprisonnement en Égypte après avoir été condamné par un tribunal militaire pour avoir « tenté de quitter illégalement l’Égypte par sa frontière orientale ». Il a été arrêté en juillet 2007 alors qu’il tentait de passer en Israël par la frontière égyptienne, avec sa femme enceinte, sa fille de deux ans et d’autres personnes. La femme de Saddik Sahour Abkar, Hajja Abbas Haroun, a reçu une balle dans la tête qui l’a tuée sur le coup. D’autres personnes ont été blessées. Il a été séparé de sa fille pendant toute une année.
Saddik Sahour Abkar est l’une des quelque 1 300 personnes jugées et condamnées – pour le même motif – par des tribunaux militaires égyptiens depuis 2007. Ce type de condamnation est contraire aux normes internationales en matière de droits humains. On refuse invariablement à ces personnes de rencontrer des représentants du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en Égypte, alors que nombre d’entre elles ont droit à une protection internationale et peuvent subir des violations des droits humains si elles sont renvoyées dans leur pays.

En Afrique du Sud, des milliers de réfugiés, de demandeurs d’asile et de migrants ont été déplacés par de violentes attaques xénophobes, en mai 2008. Des centaines d’entre eux ont ensuite été arrêtés de façon arbitraire. Quelque 700 hommes ont été arrêtés en juillet 2008 parce qu’ils ne s’étaient pas enregistrés au camp pour personnes déplacées de Glenanda (Johannesburg) et ont été emmenés au centre de détention de Lindela. Un jour plus tard, ceux qui avaient des documents attestant qu’ils étaient demandeurs d’asile ou réfugiés ont été libérés. Ils n’avaient aucun endroit où aller et voulaient attendre que leurs familles et amis quittent Lindela. Ils ont établi un campement de fortune près de l’autoroute R28. Six jours plus tard, la police sud-africaine les a arrêtés en vertu de la législation nationale relative aux déplacements routiers et les a emmenés au poste de police de Krugersdorp. Pendant leur détention, la police aurait fait pression sur eux pour qu’ils signent des documents stipulant qu’ils renonçaient à leurs droits de réfugiés et de demandeurs d’asile. On leur a dit que s’ils signaient ces documents, les accusations portées contre eux seraient abandonnées. Aucun n’aurait signé. Bien que les charges aient été annulées, ces personnes sont restées en détention administrative.

Conditions de détention

La détention, notamment lorsqu’elle est prolongée, peut entraîner une dégradation de la santé physique et mentale. Ceux qui y sont soumis, comme les migrants en situation irrégulière, les demandeurs d’asile en attente d’une décision, ou ceux dont la demande a été rejetée et qui attendent d’être renvoyés, ne doivent pas seulement subir les affres du confinement : ils vivent également une constante incertitude quant à leur destin. Parfois, ils ne comprennent pas les procédures ni les motifs de leur détention. Ils se sentent impuissants et seuls.

En vertu du droit international, les conditions de détention doivent être humaines et les droits des détenus respectés. Ces derniers doivent avoir accès à une assistance juridique et médicale, et pouvoir recevoir la visite des membres de leur famille. En Corée du Sud, ces dernières années, des milliers de travailleurs migrants en situation irrégulière ont été arrêtés et expulsés. Compte tenu de l’ampleur des arrestations et des détentions, il est très difficile d’apporter les garanties de procédure nécessaires, et donc de vérifier qu’il n’y a pas parmi les expulsés des personnes en droit de rester sur le territoire concerné.

Selon une enquête nationale de la Commission coréenne des droits humains (NHRCK) publiée en janvier 2006, 20 % des détenus ont été battus et près de 40 % ont été injuriés. Plus d’un tiers ont déclaré avoir été contraints de se déshabiller pour subir une fouille au corps. Par ailleurs, 5,2 % auraient été victimes de violences sexuelles infligées par des agents des services de l’immigration au cours des fouilles au corps. Selon une étude de 2005 menée par la NHRCK, 21,5 % des détenus ont été retenus pendant des périodes supérieures à la durée maximale prévue par la loi, soit vingt jours. Les conditions de détention – médiocres – augmentent les risques de maladie et de dépression : 66 % des détenus ont signalé une dégradation de leur état de santé. D’autres facteurs, comme l’attente de salaires non payés et une absence générale de prise en charge, contribuaient à aggraver le stress des personnes détenues.


Sajad Hussain Wani
Amnesty International a relevé plusieurs cas de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des défenseurs des droits humains en détention « migratoire », dans le monde entier. Sajad Hussain Wani, un Pakistanais qui faisait des études en Malaisie, a été détenu pendant plus de cinq semaines dans le centre de détention de Sepang, près de Kuala Lumpur, et il aurait été torturé. Il avait été placé en détention au motif que son autorisation de séjour avait expiré. En fait, son visa d’étudiant était toujours valide mais il aurait été arrêté à la demande de son ancienne petite amie. D’après les informations fournies, il a été frappé et brûlé, notamment sur les parties génitales, à l’aide de cigarettes. Il a été détenu sans inculpation jusqu’au 9 novembre 2007, date à laquelle il a finalement été présenté devant un juge, qui a déclaré sa détention illégale et ordonné sa libération immédiate.

Normes de droits humains applicables à certains groupes

Étant données les graves répercussions de la détention sur l’état psychologique des personnes, les États doivent prendre des mesures législatives afin d’éviter la détention des enfants, des victimes de torture, des femmes enceintes, des personnes dont l’état de santé est critique, ou qui souffrent de déficiences mentales ou physiques, des malades mentaux et des personnes âgées. Dans le cas où des individus appartenant à ces catégories doivent être détenus, il est conseillé de ne recourir à la détention que sur présentation d’un certificat d’un médecin qualifié, attestant que la détention n’affectera pas leur santé et leur bien-être. De plus, un suivi et un soutien réguliers, effectués par un professionnel qualifié, doivent être mis en place. Les détenus doivent aussi avoir accès aux services de santé, à l’hospitalisation, aux conseils médicaux, etc., dans les cas où cela se révèle nécessaire.

Selon le HCR, les enfants représentaient environ 44 % des réfugiés ou assimilés pendant l’année 2007 (ce chiffre ne comprenait pas les enfants de migrants). Au moins 92 enfants réfugiés ont passé deux ans au centre de détention pour les immigrés de Nong Khai, au nord de la Thaïlande. Onze d’entre eux sont nés en détention. Ils sont enfermés dans leur cellule vingt deux heures par jour, et beaucoup sont en mauvaise santé. Les enfants font partie d’un groupe de 158 réfugiés hmongs du Laos confinés dans des conditions très pénibles depuis leur arrestation à Bangkok et à Phetchabun, en novembre 2006. Les autorités thaïlandaises n’ont pas manifesté l’intention de relâcher le groupe, bien que quatre pays leur aient demandé de les reloger. Depuis le mois d’août 2007, les représentants du HCR n’ont pas eu accès à ces réfugiés, et n’ont pas pu prendre les mesures nécessaires pour faciliter leur réinstallation.

Selon les informations reçues, 160 enfants non accompagnés sont détenus au centre de détention de Pagani, sur l’île de Lesbos, en Grèce, dans des conditions inhumaines et dégradantes. Les chambres sont inondées en permanence et l’insalubrité y règne. On y a dénombré 830 migrants en situation irrégulière (y compris des demandeurs d’asile potentiels), alors que le centre est prévu pour recevoir 300 personnes seulement. Les détenus ne sont autorisés à sortir qu’en de très rares occasions. La détention des enfants doit toujours être évitée. Toute décision prise dans ce domaine doit tenir compte des intérêts supérieurs de l’enfant, comme l’exige la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant.

Les victimes de torture sont également particulièrement vulnérables. Taner, un demandeur d’asile qui se trouve aux Pays-Bas, a passé huit ans en détention dans son pays d’origine, dont plusieurs mois en isolement. On cherchait à obtenir de lui des « aveux » et d’autres informations relatives à ses activités politiques. Il dit avoir été violé, battu (coups donnés sur la plante des pieds), privé de sommeil, torturé à l’électricité et menacé d’exécution. Dans sa demande d’asile, Taner avait mentionné explicitement les atteintes physiques et psychologiques qu’il avait subies. Il a été arrêté aux Pays-Bas en octobre 2006, après le rejet de sa demande d’asile. Il avait effectué une autre demande à la suite de ce premier refus. Les examens effectués par un groupe médical d’Amnesty International ont montré que la condition médicale de Taner correspondait bien à ses allégations de torture. Selon le groupe, Taner était une personne gravement traumatisée. Le groupe estimait en outre que la détention de Taner pouvait « aggraver ses problèmes psychiatriques » et avoir « un effet traumatique disproportionné ». Un tribunal de district s’est prononcé sur la détention de Taner, après la publication du rapport d’Amnesty International, et a ordonné la libération de ce dernier, en attendant qu’une décision soit prise au sujet de sa demande d’asile. En août 2007, Taner a finalement obtenu un permis de résidence à la suite d’une amnistie générale.

L’utilisation d’entraves (menottes, par exemple) sur des femmes enceintes est une pratique courante aux États-Unis, dans tous les types de détention.

Les entraves sont régulièrement utilisées lors des transferts, pendant l’accouchement et immédiatement après la naissance. Juana Villegas, 33 ans, est une migrante en situation irrégulière du Mexique. Elle était enceinte de neuf mois lors de son arrestation pour une infraction au code de la route, le 3 juillet 2008. Elle a ensuite été emmenée à la prison du comté de Davidson, à Nashville (Tennessee). Lorsqu’il a été établi qu’elle était en situation irrégulière, on l’a emprisonnée. Le 5 juillet, Juana Villegas a commencé son travail d’accouchement et a été emmenée à l’hôpital en ambulance. On l’avait enchaînée à son brancard. À l’hôpital, elle est restée attachée à son lit par des menottes, pratiquement jusqu’à la naissance de son garçon. Elle a été de nouveau menottée, six heures après la naissance. Selon son avocat, les entraves ont été placées contre l’avis du personnel médical. Pendant toute son hospitalisation, Juana Villegas n’a pu voir son mari, ses amis ou proches, ni leur parler. Le téléphone de sa chambre était déconnecté. Elle a été relâchée le 8 juillet et soumise à une procédure de renvoi.

Comme cette affaire avait attiré l’attention des médias, y compris au niveau international, le shérif de Davidson a annoncé qu’à partir de septembre 2008, dans ce comté, les détenues enceintes ne seraient plus entravées, quel que soit le stade de leur grossesse, sauf si elles se montraient agressives ou constituaient une menace pour les autres ou pour elles-mêmes. Toutefois, il serait toujours possible de placer les femmes enceintes dans une chaise d’immobilisation en métal. Ces dernières années, 18 personnes au moins sont mortes dans des centres de détention américains, après avoir été placées sur des chaises de ce type. En 2000, le Comité des Nations unies contre la torture a recommandé que les États-Unis renoncent à leur utilisation.

Recommandations
  • Les États doivent garantir le droit à la liberté et le droit de circuler librement pour les migrants et les demandeurs d’asile.
  • Les États doivent trouver des solutions de remplacement efficaces pour éviter la détention des migrants et des demandeurs d’asile. La détention ne doit être utilisée qu’en dernier recours.
  • Les États ne doivent placer des migrants en détention que s’ils peuvent démontrer que cette dernière est nécessaire et proportionnée à l’objectif ciblé, que les autres solutions ne seraient pas efficaces, qu’elle est fondée sur les motifs prévus par la loi et qu’il y a un risque objectif que la personne concernée prenne la fuite.
  • Les États doivent définir une durée limite maximale pour la détention. La détention doit toujours être aussi brève que possible.
  • Les États doivent faire en sorte que des alternatives à la détention soient toujours envisagées et applicables sans discrimination. Ces solutions comprendront notamment :
    • des libérations sous caution et des procédures de sûreté applicables sans discrimination, dans des conditions raisonnables et réalistes ;
    • des contrôles qui ne sont pas indûment lourds, intrusifs ou difficiles à respecter, notamment pour les familles avec enfants et les personnes disposant de moyens financiers limités ;
    • l’utilisation de centres ouverts et semi-ouverts, de résidences surveillées ou d’hébergements spéciaux. L’utilisation des centres ouverts est préférable à des solutions plus restrictives ;
    • l’enregistrement des demandeurs d’asile et l’émission de cartes d’identité pour les réfugiés, afin de prévenir la détention arbitraire des demandeurs d’asile, et de réduire l’utilisation de la détention contre les migrants ne disposant pas de papiers en règle.
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